L'exposition du grand palais montre la prédominance de l'influence nordique, sur la scène française au début du 17ème siècle, et le poids de Rubens le flamand (le baroque, le généreux, le mouvementé) dans les commandes de la cour (voir le portrait de Marie de Médicis pour le Palais du Luxembourg) avant que ne se développe un style proprement "français" inspiré par Poussin, chef de file de l'école classique (symbolique, épuré, inspiré de l'antique) depuis Rome à partir de la moitié du siècle.
Un siècle plus tôt, la France (qui se trouvait au même endroit) était déjà le carrefour des voyageurs venus du nord et des échanges avec le sud. Imprégnée de ces deux cultures, la Renaissance Française a certes bien des choses à envier à ses voisines, mais ne manque ni d'originalité, ni de couleur, ni de force. Les règnes de Charles VIII (1483 - 1498) et de Louis XII (1498 - 1515), et mariés tous les deux à Anne de Bretagne, forment l'arrière plan historique de l'exposition.
Cette dernière exposition frappe d'ailleurs par la très grande variété des objets exposés : vitraux, panneaux, tableaux, sculptures, livres, mobiliers, qui forment un panorama très riche de l'art du XVIè siècle français. Le parti pris de l'exposition, sur l'essentiel du parcours, de présenter des oeuvres en fonction de leur ancrage géographique( val de Loire, Paris, Lyon, etc) et d'éclairer les questions esthétiques en fonction des enjeux politiques et géopolitique du temps est particulièrement bien vu (telle ville comme Lyon restée fidèle au roi de France est remerciée par un essor de commandes, telle autre région passée aux anglais pendant la guerre de 100 ans fait l'objet d'un reconquête culturelle, etc.).
Le propos de l'exposition est de battre en brèche l'idée reçue selon laquelle la France se serait tenue à l'écart du grand chambardement de la Renaissance, essentiellement spectatrice d'un phénomène entraîné par ses voisins (les grandes découvertes par le Portugal et l'Espagne, l'humanisme lettré et la peinture en Italie ou dans les Flandres). Qu'on se le dise : la France de 1500 n'a pas chômé, et le peuple français lui-même, à en croire les chroniques de l'époque, se sentait fier de participer à un royaume unifié, prospère et actif sur le plan culturel, diplomatique, économique, etc. Je cite le catalogue, p25 "la France des années 1500, à l'aube du "beau XVIe siècle", est un pays qui bouge, et cela dans la stabilité et l'unité. Les grandes guerres anglaises ne sont pas oubliées (ce qu'on a appelé depuis la guerre de 100 ans), c'est pourquoi les français acceptent les contraintes d'une royauté forte (...). dans tout cela, aucune rupture ni matérielle ni mentale : c'est ainsi que les valeurs chevaleresques incarnées par un Bayard et un Louis de la Trémoille demeurent à l'ordre du jour (...). C'est parce qu'ils étaient assurés de leur peuple que Charles VIII et Louis XII, en attendant François Ier, au nom de ce qu'ils considéraient comme leurs droits, osèrent tenter l'aventure italienne - Milan, Gênes, Naples."
Bien qu'il devienne un peu usant d'entendre ou de lire à longueur d'expositions sur cette période que "non, décidément le moyen-âge n'était pas une période obscure" (parce que c'est quelque chose qu'on entend depuis au minimum 20 ans donc tout le monde devrait être bien au courant, et que ça devient une posture un peu désuète) et que "non, la Renaissance n'a pas surgi brusquement ex nihilo dans les ténèbres", la qualité des oeuvres rassemblées suffit à faire de cette exposition un must de la rentrée. Un dimanche matin, alors que la foule se pressait pour aller voir Monet, les guichets de France 1500 étaient quasi déserts. Pour combien de temps ?
Voir également le lien ici (site de l'expo France 1500 qui mènera ici) et ici (site de l'expo Rubens)