De ce livre presque aussi volumineux que son éponyme cétacé, on tâchera de retenir davantage que ce que le film de John Huston en a laissé paraître.
En effet, pris sous un certain angle, Moby Dick est bien une histoire, c'est le récit d'une quête vengeresse menée par le capitaine Achab, à la recherche de la baleine Blanche Moby Dick, responsable de la perte de sa jambe lors d'un précédent voyage. Le face-à-face homme/baleine symbolise l'affrontement de l'homme à la nature, et même au-delà de l'homme à la volonté divine. Le film insiste suffisamment sur cette dimension cosmico-sacrée, beaucoup plus subtilement rendue dans le livre d'ailleurs.
Moby Dick est certes une histoire, mais pas seulement. C'est surtout une encyclopédie, l'encyclopédie méthodique de la chasse à la baleine, de ses pêcheurs, des bateaux et des ports. Des pages entières sur la vie des tavernes avant le départ, la fabrique des harpons, l'extraction de l'huile de baleine pour les usages multiples, de l'éclairage à l'onction des rois. On pourra le trouver ennuyeux parfois, mais le fond de l'affaire oblige l'étonnement, sinon l'admiration. Par le biais de la grande baleine, Melville touche à l'histoire, la religion (la peur des hommes, leur vanité, le destin de Jonas), aux réglements juridiques, à la météo, la philosophie, la politique et aux moeurs. Explorez n'importe quel sujet bien à fond, vous finirez par y trouver l'univers entier. L'hyperspécialisation ouvre les portes de la culture entière. Belle morale leibnizienne en vérité.
Pour finir une belle phrase issue du chapitre LXXXII (82) : "il y a certaines entreprises où le désordre soigneux est la vraie méthode." Saisissant mille détails de la vie à bords et mille prétextes de digression à leur sujet, telle semble avoir été la devise de l'auteur pour l'accomplissement de son oeuvre.
Hermann Melville, Moby Dick, Gallimard folio
Je viens d'apprendre la sortie en salle du film Capitaine Achab, de Philippe Ramos, le 13 février 2008. A voir donc.
dimanche, février 10, 2008
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