samedi, janvier 26, 2008

Le stade Dubaï du Capitalisme

Une petite lecture sans conséquence, sur une ville-symbole de ce que d'autres appellent "l'hyper modernité", "l'hyper capitalisme", lieu de tus les excès, lieu de toutes les dérives, etc.

S'appuyant sur une lecture marxiste somme toute assez limpide (mutualisation des risques et privatisation des profits, idnetification d'une ressource à exploiter d'où l'on tire une plus value), l'auteur identifie trois éléments-clés au fondement du système de Dubaï, et sans lesquels la prospérité de la ville retournerait dans les dunes d'où elle vient.

Il y a d'abord les travailleurs exploités dont la main d'euvre quasi gratuite permet d'ériger des buildings à moindre coût. Il y a ensuite les prostituées russes sans qui les bars dubaïotes seraient moins fréquentés de businessmen. Il y a enfin l'afflux d'argent aux origines plus ou moins douteuses (traffic et terrorisme) qui alimente les industries de la finance et de l'immbilier.

On retiendra surtout, dans ce très court essai qui ne reprend pour l'essentiel que ce que chacun peut déjà connaître (ou deviner), cette remarque intéressante sur la position géographique de Dubaï, ville dépurvue de pétrole, mais disposant d'une côte dont ls eaux très profondes ont permis la construction du grand port qu'Abu Dhabi ne pouvait se construire, en dépit de sa rchesse et de ses réserves pétrolières. Faisant du même coup de Dubaï le point névralgique du commerce et de la circulation.

Musée Nissim Camondo

Ceci est un post sans grand intérêt sinon celui d'inviter tous ceux qui se trouveraient devant à foncer dare dare au musée Nissim Camondo, à Paris, magnifique demeure de banquier richissime du début du siècle, abritant une splendide colelction d'art décoratif du XVIIIè siècle français.

Musée Nissim Camondo, Rue de Monceau, tout près du parc. En sortant, passez donc voir le musée Cernuschi, très beau lui aussi (le bouddha est impressionnant), ancienne maison d'un collectionneur qui visiblement vivait (assez) confortablement (lui aussi).

jeudi, janvier 10, 2008

Storytelling (2)

Le storytelling dont il a déjà été question ici a le vent en poupe. Traduit en français comme un "art de raconter des histoires", les histoires en questions renvoient à deux registres proches mais différents :

(i) les techniques du récit, entendu comme une séquence plus ou moins linéaire avec un personnage, un début, une action, une fin : "raconte moi une histoire"
(ii) les techniques du mensonge, de la baliverne, de la manipulation : "ne me raconte pas d'histoires"

S'il est permis d'exprimer un regret, l'essentiel des analyses de ce phénomène (sauf erreur : je suis preneur de conseils de lectures) et en tout cas la quasi totalité de bouquin de Salmon se focalise sur la deuxième dimension, réduisant le storytelling a une technique de mensonge, de manipulation, de ficelage de l'opinion. C'est un peu dommage, pour deux raisons.

D'une part, la question du récit est suffisamment riche en soi pour qu'on s'y intéresse. Une histoire peut convaincre, motiver, rassembler des individus sans qu'il soit forcément question de "mensonge". La fiction n'est pas le contraire de la vérité. Le "mentir vrai" d'Aragon en est un exemple, parmi beaucup d'autres.

D'autre part, une chose est de dire que la technique du récit prolifère, une autre est de faire le raccourci histoire = mensonge = manipulation. De fait, assez rare parmi ceux à qui l'on sert les histoires sont réellement aveugles de leur véritable sens. Les électeurs "savent bien" qu'on leur sert des salades, et le disent suffisamment, les consommateurs sont hyperconscients des ruses des marques, et le disent également.

Bien plus, dans ce dernier domaine que je connais un peu, les consommateurs entretiennent parfois eux-mêmes volontairement des histoires qu'ils choisissent de croire, tout en sachant ce qu'il en est en réalité. Le dernier livre de MC Sicard, Danse avec les Renards, ou celui de Seth Godin, All Marketers are Liars, font suffisamment état de ces phénomènes de "servitude volontaire". Un peu à la façon de la "suspension volontaire de la non-coyance" dont parle Coleridge au sujet de le Poésie : "Je sais bien que ce n'est qu'une histoire, mais tout de même, j'y prend plaisir". De ce point de vue, dénoncer les supercheries dont personne n'est dupe est une activité médiatiquement fructueuse, mais qui retarde l'explication des mécanismes de "self-storytelling", du plaisir que l'on peut prendre à se raconter des histoires à soi-même, plus complexes peut-être que les rapports méchant manipulateur / gentil manipulé.

Pour un critique (beaucoup) plus acerbe du livre de Christian Salmon, voir ici. Je ne partage pas tout à fait l'angle de son auteur - qui pointe l'anachronisme, et reste lui aussi largement préoccupé par le champ politique - dans la mesure où le Storytelling a beau ne pas être nouveau, son application à bien d'autres domaines que la politique prend toujours plus d'ampleur.

lundi, janvier 07, 2008

La Renaissance Siennoise à la National Gallery

A quelques encablures de l'exposition du British Museum sur le premier empereur, la National Gallery rassemble quelques-uns des plus grands chefs d'oeuvres de la Renaissance Siennoise, dans l'aile Sainsbury.

Bref rappel historique des faits : Sienne / Florence, c'est un peu Marseille / Psg, les soeurs ennemies de l'histoire de l'art. Pour la chronique officielle (rédigée par les historiens florentins, après la victoire de leur ville sur sa rivale...) l'heure de gloire siennoise court du XIIIè au XIVè siècle, pas guère au-delà. C'est la pré-renaissance, l'époque des frères Lorenzetti, Ambrogio et Pietro, des premières constructions à perspectives, de Duccio, des chefs d'oeuvres de Simone Martini. Ce sont aussi des oeuvres marquées par le religieux, les fonds d'or, l'art gothique, les annonciations, certains diront un art "médiéval", "conservateur", "old school", par rapport aux prouesses techniques des florentins.

Toujours selon la chronique officielle, Florence règne sans rivale sur le XVè et XVIè siècle. Florence, c'est Masaccio, le génie de la chapelle Brancacci, c'est Verrochio, Botticelli, Leonard de Vinci, et puis surtout, Florence c'est le retour à l'antique, dans les arts et lettres, et Florence, enfin, c'est Michel-Ange. La perspective enfin maîtrisée, l'art des volumes, de la 3D, le "réalisme", et des peintres aux personnalités tumultueuses, aux destinées contrariées, génies tourmentés, audacieux, homosexuels, rebelles, etc.

Bien sûr, il y a toujours ceux qui préfèrent Sienne, plus élégante, plus sophistiquée, moins "carte postale". Mais Sienne reste encore largement considérée comme une ville artistiquement médiévale, restée à la porte de la Renaissance.

L'expo de la National Gallery entend réparer l"injustice, et montrer la vitalité de la "Renaissance Siennoise" tout au long du XVè et XVIè siècle. Le parcours étale sur 6 ou 7 salles plusieurs chefs d'oeuvres surprenants. Je pense tout particulièrement à ceux de Sano di Pietro (1405-1481) en particulier la vierge à l'enfant avec Saint dont je ne trouve pas trace sur le web, et je vous renvoie au catalogue. Le panneau dégage une grande douceur, la position des mains de l"enfant et de la vierge sont exquis. On voit d"ailleurs la façon dont l'artiste combine les dernières techniques florentines du volume et l'héritage du style siennois. Comme quoi en peinture il n'y a pas de peintres "retrogrades" ou égarés sur la voie du progrès, il n'y a que de bons et de mauvais peintres, avec des choix esthétiques conscients et assumés.













Autre pièce marquante, la flagellation du Christ, de Francesco di Giorgio (1439–1501) : cette plaque de bronze reproduite ci-contre, pousse au maximum la force expressive de l'art de Sienne. Pour un peu, on pense aux esclaves de Michel Ange, exécutés à Florence à peine 30 ans plus tard (1520-1532).

Enfin, la dernière salle consacrée à Domenico Beccafumi illustre la vitalité du maniérisme siennois, contemporain des recherches florentines de l'époque. A voir également, quelques pièces de Luca Signorelli, dont on se souvient l'extraordinaire chappelle dans la cathédrale d'Orvieto (décisive dans la compréhension du jugement dernier de Michel Ange). J'ai eu plaisir de retrouver dans ce contexte le très joli panneau "Le rêve du Chevalier" (1504) de Raphaël - artiste invité de la ville - exposé en Août 2006 à la villa Borghèse, à Florence justement.

Voir ici un article plus soigné du Telegraph. La Renaissance Siennoise, Renaissance : Siena, art for a city, à la National Gallery jusqu'au 13 janvier. Donc rien ne presse, mais il faut tout de même se dépêcher.

vendredi, janvier 04, 2008

Le premier Empereur au British Museum - The terra cotta Army

Le British Museum consacre jusqu'en avril 2008 une exposition au Premier Empereur Qin (prononcer "Chin"...), unificateur vers 200 av JC d'une bonne partie du vaste territoire qui allait devenir la Chine actuelle.

L'exposition sent bon le marketing : sponsorisée par Morgan Stanley, c'est une "sold out - once in a lifetime exhibition", "exhibition of the year", "most famous", etc. On fait la queue tôt le matin, c'est plein à craquer, on se dit que si on ne trouve pas ça époustouflant on a forcément pas bien regardé.

Au risque de passer pour sévère, je dirais que l'exposition en elle-même, d'un strict point de vue esthétique, n'a rien d'extraordinaire.

Le déplacement à Londres d'une dizaine de statues de soldats est certes une prouesse formidable, mais elle ne peut recréer l'effet saisissant des 7000 statues et plus du mausolée de Xian. Or c'est bien cela que l'on vend, en projetant des images du site sur les murs de l'expo, et dans le sous-titre de l'expo, "the terra cotta army". Cela fait penser à toutes ces expos où l'on vous donne des indices de ce que ça pourrait être, en vous faisant juste sentir que c'est formidable. Voir le commentaire de Daniel Arasse sur l'aura de Benjamin : dans les expos modernes, et malgré l'avènement de la reproduction technique, l'aura de l'oeuvre n'a pas disparue, bien au contraire, : on l'entretient savamment en construisant sa rareté, par des limitations horaires, en célébrant la trace et la reproduction au même titre, voir davantage que l'original.

Soyons toutefois honnêtes : pour son aspect historique, documentaire, l'expo reste époustouflante. Le parcours éclaire la vie et l'oeuvre du premier empereur, sans doute déjà très connu des sinophiles, mais dont j'ignorais tout. Pur génie politique, militaire et administratif, doublé d'une mégalomanie hors du commun, l'empereur Qin, dirige dès 15 ans une armée victorieuse, unifie la langue (peu ou prou le chinois actuel), unifie le système de poids et mesures, pose les bases d'un système de communication routière efficace, relance et consolide la construction d'une grande muraille de protection du royaume (distincte de la Grande Muraille de l'époque Qing XVIIè-XVIIIè siècle). Des vitrines intéressantes éclairent la mise au point d'armes et arbalètes dont les pièces peuvent être facilement remplacées (gain de temps face à l'ennemi) ou encore les petites roues des chars (meilleure stabilité donc avantage sur l'adversaire).

Surtout, l'empereur se fait enterrer avec une armée entière de soldats peints, en terre cuite, tous différents, avec chevaux, armures, armes, et tutti quanti. Non seulement des hommes en armes, mais aussi des animaux rares (oiseaux), des jongleurs et des artistes pour divertir l'impériale dépouille dans l'au-delà. Le site archéologique est sans doute le plus impressionnant du monde, il paraît qu'on est encore bien loin d'avoir tout excavé. La dizaine de statuettes exposées (toutes magnifiques) ne peut donner qu'une (très) faible idée de ce que tout cela peut donner "en vrai" et surtout de ce à quoi tout cela pouvait ressembler "à l'époque". Mais l'idée même d'avoir voulu recréer le monde pour ensuite l'ensevelir avec soi peut donner lieu à maintes rêveries, qui valent le déplacement. Concevoir pareille entreprise suffit pour entrevoir ce que le philosophe Kant appelait "l'infini mathématique", une intuition qui dépasse les bornes de la perception possible (ou quelque chose d'approchant). Bref

C'est aussi en cela que l'expo fleure bon le marketing. Ici tout est grand, spectaculaire, fabulous. Rien ne semble avoir jamais résisté à l'aura magnifique d'un empereur dont on nous retrace l'histoire à la façon d'une chevauchée épique. Pour un aperçu, cliquer ici.

Bientôt un post sur La renaissance Siennoise.
Voir également Les soldats de l'éternité, jusqu'au 14 septembre 2008 à la Pinacothèque de Paris