mardi, février 28, 2006

Un petit air de statue de la liberté


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La statue de la République ressemble fort à la statue de la liberté. Toutes les deux s'appuient sur un texte de la loi, sur la constitution, qu'elles tiennent dans la main gauche. Ce code écrit légitime leur prétention à éclairer le monde, ou à apporter la paix, va le symbole qu'elles brandissent dans leur main droite.
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C'est une figure de la modernité et de la diffusion des lumières. Elle suit directement la mutation opérée par l'écriture des lois par Solon, qui marque l'émergence de la rationalité chez les grecs (Vernant). Les grecs, ayant établi la raison, ne semblent pas avoir eu l'envie de la diffuser après des barbaros. La démarche qui consite à diffsuer les lumières marquerait donc une étape supplémentaire dans la marche de l'esprit.

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Avoir un bon copain

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Aujourd'hui, petit post sans prétention. Juste le compte rendu d'un déjeuner dans une belle adresse du coté de Châtelet dont le nom m'échappe, avec au menu le classique salade -toast au chèvre chaud suivi de la nom moins banale bavette échalotte - frites. John (photo) comprends le blog comme un exemple-type de la notion de "contrainte libératrice", et touche un point clé de la motivation au blogging. C'était bien.

lundi, février 27, 2006

L'image (du nom) de marque


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Comment expliquer cette tendance qu'ont certaine marques de luxe (cf ci-dessus, mais aussi Yves Saint Laurent, Dolce & Gabana, Celine) d'utiliser leurs initiales ou des lettres de leurs noms (signe linguistique) comme des motifs visiuels (signe iconique), qu'elles reproduisent et multiplient sur les boites, les valises, les sacs qu'elles fabriquent, jusqu'à créer des formes géométriques complexes et des arabesques de type abstrait ?
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Il y a sûrement dejà des choses de dites sur ce sujet, sur la volonté de marquer, de signer chaque objet de la griffe d'un créateur ou d'une société, jusqu'à faire du produit un porte-nom, un support entièrement saturé par la présence de la marque. Cela mériterait plus amples recherches.

dimanche, février 26, 2006

La place du spectateur















Dimanche 26 février, Matthieu et Camille sont partis en expédition culture, direction le musée d'art contemporain du Val de Marne (Mac / Val), par la ligne 13, puis 14, puis 7, puis le bus, puis un peu de marche (1 bonne heure à braver le froid de l'hiver), pour une exposition Jacques Monory.
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Il faut s'y précipiter. Le parcours Monory (Episode 1 : Détours, le mérite justement) est très bien fait, et la collection permanente du musée (Bublex, Soulages, Dubuffet, Peter Klasen, etc.) est aussi merveilleusement stimulante. Un exemple parmi d'autres, cette oeuvre de l'espagnol Felice Varini, "trois cercles rouges", dans la première salle du musée.
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Elle apparaît d'abord comme un ensemble désordonné de courbes rouges dispersées sur les parois, les vitres et les colonnes, qui s'organise progressivement en fonction des déplacements de l'observateur, jusqu'à former trois cercles parfaits lorsque le spectateur se tient en un point précis de la salle.


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On se souvient à la fois des mots de Kandinsky pour qui la peinture n'est pas seulement un art de l'espace, mais aussi un art du temps, qui apparaît non pas d'un seul bloc, mais se découvre progressivement par une exploration et un cheminement dans la toile (remise en cause de la distinction classique peinture / poésie, art de l'espace, art du temps chère à Lessing).
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On se souvient aussi des beaux textes de Michael Fried sur la place du spectateur (La place du Spectateur, Gallimard), qui associe la prise en compte explicite par l'artiste de la position du spectateur placé face à l'oeuvre comme l'une des caractéristiques de l'art moderne.

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La critique de l’Occident.

Dans un article intitulé « L’occident, un monde clos sur lui-même » (Le Monde du 16 février), Jean-Claude Guillebaud analyse le front du refus qui se développe face aux valeurs occidentales. Il expose la vision d’un occident devenu arrogant, d’un libéralisme prisonnier de sa propre victoire, ayant cessé d’être un modèle pour le monde.

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L’occident serait en effet devenu infidèle à lui-même, en oubliant d’exercer vis-à-vis de son propre modèle cette faculté de critique qui le caractérise : « Notre siècle, s'exclamait jadis Emmanuel Kant, est le siècle propre de la critique à laquelle tout doit se soumettre. L'Occident, de ce point de vue, a bien rompu avec Kant. »

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Je ne sais pas si l’Occident a rompu avec Kant. Mais il n’est pas certain que l’Occident ait cessé de se critiquer lui-même. A bien des égards, il se critique d’ailleurs énormément, et le texte – critique – de M. Guillebaud en est déjà un exemple.

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Il suffit d’avoir passé 10 minutes dans le métro parisien pour prendre conscience du mouvement anti-pub qui vise la société de consommation, le capitalisme et le décervelage néo-libéral. Il suffit d’avoir écouté le débat sur le traité européen, pour réaliser à quel point le libéralisme lui-même, sinon la liberté, sont devenus l’injure suprême, dont nul n’ose plus se réclamer. Le mea culpa des ex-Empires européens sur la colonisation, l’esclavage, sont d’autres exemples d’une même lame de fond. Et la remise en cause de l’intervention irakienne, aux Etats-Unis ou en Europe montre à quel point la conscience occidentale est divisée. Sur tous ces points, l’esprit critique reste vivace et la modernité occidentale en prend quotidiennement pour son grade. Je ne crois pas que l’occident ait cessé de se questionner sur ses valeurs et ses dérives potentielles.

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Ce n’est pas tant la modernité, le libéralisme ou l’universalisme qui ont cessé d’être des modèles, que les puissances politiques qui s’en sont jusqu’ici – parfois abusivement – réclamé, pour servir leurs intérêts géostratégiques et commerciaux à court terme.

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L’enjeu est donc moins de ranimer une critique qui serait défaillante, que de faire en sorte qu’elle dissocie clairement ces deux niveaux, de peur que le rejet des options politiques d’un pays – objet d’un premier débat – n’entraîne automatiquement le rejet des valeurs de tolérance et de démocratie qui sont peu ou prou celles de la modernité occidentale – et qui méritent un deuxième débat à part entière. Ce dont nous avons besoin c'est d'une discipline de la raison, non de critique. C'est justement ce que voulait être la critique kantienne, conçue dès le départ comme discipline de la raison, car elle obéit ele-même à des règles et à une discipline. Si nous avons réellement rompu avec Kant, c'est moins en cessant de nous critiquer, qu'en continuant au contraire à le faire sans méthode.

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Ce qui est à peu près certain en tous les cas, c’est que nous touchons, selon toute vraisemblance, la fin d’un cycle historique. Au XVIè siècle les guerres de religion ont sonné le glas du projet collectif chrétien médiéval, au XXè siècle c’est le tour du projet collectif émancipateur des lumières de prendre du plomb dans l’aile. Depuis l’effet de serre, on se demande s’il fallait vraiment se rendre à tout prix « comme maître et possesseur de la nature ». Depuis la colonisation, l’esclavage, Auschwitz, l’occident se sent discrédité à ses propres yeux. On parle de post modernité, de fin des utopies, de trash attitude. Si l’occident est clos et souffre de quelque chose, ce n’est donc pas d’un excès de confiance, mais d’un doute général sur la possibilité de continuer le projet collectif de l’humanité sous sa forme actuelle. Les problèmes d’arrogance, d’esprit critique, de « chocs des civilisations », sont des épiphénomènes d’un mouvement historique plus large : l’esprit du monde, comme dit Hegel, a déjà migré. Espérons qu’il se mette en lieu sûr.


Saint Jérôme, l’intellect (très) actif












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Le thème de Saint Jérôme est un thème très important de la peinture chrétienne. Il a donné ses règles pour la représentation du savant, du sage dans son cabinet en occident (Saint Augustin de Carpaccio, philosophe de Rembrandt, Astronome de Vermeer).
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Il y a – grosso modo – deux angles d’approche de Saint Jérôme, deux visages du personnages :

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1 - l’ermite au désert, représenté à proximité d’une grotte, qui s’inflige des supplices corporels et fait pénitence (Titien, Lotto).

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2- l’érudit en son cabinet, entouré d’objets utiles à sa pratique, livres, miroirs, voire, avec anachronisme, des besicles (Ghirlandaio, Cranach l’ancien).

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Deux remarques simples sur le Saint Jérôme de Caravage (Villa Borghèse, Rome).

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D’abord, le peintre a combiné les deux thèmes. Il n’est pas le premier à faire - il est fréquent de trouver des lions du désert se promenant àdans des bibliothèques, et par ex chez Cranach ou dans le très beau tableau de Antonio Colantonio - mais cette combinaison est assez originale. Saint Jérôme n’est pas dans une grotte, mais il n’est pas non vraiment dans un cabinet de travail. Il se trouve dans une cellule extrêmement dépouillée, sans aucune des commodités de l’érudit, ni dico, ni étagères, ni rien. Le traducteur travaille sur une table de dimension très réduite, et devrait logiquement ne pas pouvoir se sentir à son aise (mais c’est vrai qu’il s’en fout), n’était son extraordinaire concentration qui lui fait oublier l’incommodité de sa position.

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Deuxième élément, c’est que dans le tableau de Caravage, la mort cesse d’être une « toile de fond », le crâne un objet posé là parmi d’autres et qui ne serait un « rappel constant » de la vanité des choses. Le crâne n'est pas non plus le support d’une réflexion mélancolique, qui porterait l’érudit à l’inaction, à la rêverie (Durer, Shakespeare). Au contraire, la mort est présentée comme un adversaire direct, qui a déjà commencé à « dévorer » au sens propre – qui, en peinture, a souvent le mérite d’être figuré – le livre ouvert sur lequel le crâne est posé (drôle d’endroit !). Le crâne chauve et luisant Saint assis sur le coté droit du tableau, fait face au crâne installé sur l’extrême gauche, dans une mise en scène qui renforce leur opposition et instaure le sntiment d'une course poursuite de l'écriture et de l'oubli, le combat du travail et de la mort. La cape rouge largement déployée de Saint Jérôme à droite fait écho au linge blanc qui tombe sur le pied de la table, à gauche (préfiguration du linceul).

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On a parlé de ce tableau en décrivant Saint Jérôme très maigre, décharné, sur le point de mourir, ajoutant une dernière correction à sa vulgate, tandis que ses forces l’abandonnent. Je ne suis pas d’accord. Saint Jérôme n’est sans doute pas bodybuildé, mais ses forces physiques n’ont pas l’air si mal en point. La main gauche serrant de près le livre posé sur un coin de table, le bras gauche s’étend largement pour tremper le stylet dans ce qui est peut-être de l’encre.

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Tout suggère bien l’énergie mise en œuvre, la hâte du traducteur. Le corps, qui était jusqu’ici l’objet de la lutte, l’ennemi de l’ascète, devient ici un adjuvant fidèle, l’arme privilégiée du savant dans son combat contre la mort. Saint Jérôme jusqu’ici châtiait son corps dénudé, ou le recouvrait d’un vaste manteau (Antonelle de Messine), mais en tout cas cherchait à l’abolir pour obtenir la transformation de son être entier. Saint Jérôme, qui figure la victoire de l’esprit sur les passions de la chair (Bosh, La Tour) ou sur l’animalité bestiale du lion couché à ses pieds (Leonard), est décrit ici chez Caravage à travers l'effort physique, le déploiement d’énergie qui a été le sien pour écrire son œuvre.

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C’est quelque chose de fascinant que de voir cette mise en avant des forces du corps, cette rage de l’expression du traducteur. Cet accent particulier mis sur la fragilité, l’énergie vitale d’un esprit incarné est particulièrement touchante dans une œuvre censée donner la part belle à l’intellect. Cette position particulière du corps – dont je ne dis pas qu’elle soit « revalorisation », ni qu’il s’agit d’une rupture avec une tradition antérieure, et encore moins de la clé de lecture de la toile – cette position particulière dis-je, dans un tableau dont le sujet orchestre traditionnellement sa mise entre parenthèse, est assez intéressante, et belle.


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Google earth et le monde en direct

Avant de rentrer dans un nouvel espace ("cyberespace" ou "blogosphère"), une petite note sur la notion de territoire, et les moyens de se repérer.Disons qu'il y a deux grandes manières de s'orienter dans un espace.
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1 - La vue de surplomb, qui offre une vision absolue et englobante de l'espace : c'est l'image Icare qui vole au dessus du labyrinthe pour en observer les contours, c’est la vue des cartes routières, où l'on regarde le territoire comme un oiseau, depuis le ciel.
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2 - Il y a une autre manière de s'orienter, comme font les chasseurs qui suivent le gibier à la trace. On redescend au niveau du sol et l'on se repère grâce à la position relative des objets les uns par rapports aux autres. Icare n’est plus au dessus du labyrinthe, il erre dans les galeries.
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Le site "Google Earth" (voir aussi Google Maps) et l'émission "Le monde en direct" illustrent ces deux manières de s'orienter.

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Le site google earth, c'est la vue de surplomb par satellite. L'internaute observe le monde depuis l'espace, au dessus des nuages, et zoome en piqué comme bon lui semble sur un point précis pour observer les maisons, les rues, les gens.

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Au contraire avec l'émission Le monde en direct (world live) diffusée par ex sur LCI, des caméras ont été installées dans les grandes capitales, et retransmettent en direct depusi le plancher des cches (ou presque) quelques secondes de la vie à l'autre bout de la planète.
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Les deux systèmes mettent l'individu en position de spectateur omniscient, sorte de big brother à qui rien n' échappe. Ils satisfont pleinement cette curiosité décrite par Saint Augustin comme "concupiscence des yeux" (Les confessions), le désir de voir non pour apprendre quelque chose, mais simplement pour satisfaire la pulsion de voir. Le système de caméra choisi par LCI est d'ailleurs assez conforme au positionnement de TF1, qui affiche aussi son goût pour les écrans et les moniteurs en arrière plan de JT, en gage du haut degré de technologie et d'efficacité de la surveillance sur l'actualité. Par ce moyen, le spectateur scrute des gens qui vaquent à leur occupations et ignorent qu'ils sont observés. C'est le plaisir d'être Dieu. Plutôt sympa et original comme utilisation de l'image, donc. A ceci près que :
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1- Chez Google, on ne sait plus très bien qui regarde qui. Grâce à des statistiques en temps réel sur les questions posées, les pages visitées, les données renseignées par les internautes, le staff de google est en mesure de collecter une mine d'informations sur le public connecté : c'est lui est observé au moins autant qu'il cherche à voir.
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2- Quant à l'émission "le monde en direct", elle promet beaucoup, mais ne permet pas de voir grand chose en réalité. L'exploitation qui en est faite est très pauvre. Reléguée à une sorte de banal bulletin météo, on nous dit le temps qu'il fait à Pékin (ce qui n'est pas très utile), au lieu de nous renseigner par exemple sur la nature du bâtiment que l'on voit, les restaurants ou les loisirs disponibles sur place. C'est tout le potentiel de l'émission qui est désamorcé. Au spectateur omnipotent devrait correspondre un commentateur omnicompétent, capable de délivrer un petit commentaire sur la vie à l'autre bout du monde. Quelle différence avec le site de Google, où chaque internaute peut modifier et compléter les cartes pour le bénéfice de tous, en y indiquant des restaurants, des maisons à vendre, des sites à visiter, au moyen de petits drapeaux cliquables, élargissant ainsi indéfiniment les potentialités de l'outil vers des usages nouveaux.