lundi, octobre 25, 2010

La France, les Pays bas, l'Italie

Hasard du calendrier, heureuse coïncidence... deux expositions illustrent la situation particulière de la France artistique, carrefour et point de rencontre des foyers créatifs du nord et de l'Italie : Rubens et Poussin au musée Jacquemart André, la France 1500 au grand palais.

L'exposition du grand palais montre la prédominance de l'influence nordique, sur la scène française au début du 17ème siècle, et le poids de Rubens le flamand (le baroque, le généreux, le mouvementé) dans les commandes de la cour (voir le portrait de Marie de Médicis pour le Palais du Luxembourg) avant que ne se développe un style proprement "français" inspiré par Poussin, chef de file de l'école classique (symbolique, épuré, inspiré de l'antique) depuis Rome à partir de la moitié du siècle.







Un siècle plus tôt, la France (qui se trouvait au même endroit) était déjà le carrefour des voyageurs venus du nord et des échanges avec le sud. Imprégnée de ces deux cultures, la Renaissance Française a certes bien des choses à envier à ses voisines, mais ne manque ni d'originalité, ni de couleur, ni de force. Les règnes de Charles VIII (1483 - 1498) et de Louis XII (1498 - 1515), et mariés tous les deux à Anne de Bretagne, forment l'arrière plan historique de l'exposition.













Cette dernière exposition frappe d'ailleurs par la très grande variété des objets exposés : vitraux, panneaux, tableaux, sculptures, livres, mobiliers, qui forment un panorama très riche de l'art du XVIè siècle français. Le parti pris de l'exposition, sur l'essentiel du parcours, de présenter des oeuvres en fonction de leur ancrage géographique( val de Loire, Paris, Lyon, etc) et d'éclairer les questions esthétiques en fonction des enjeux politiques et géopolitique du temps est particulièrement bien vu (telle ville comme Lyon restée fidèle au roi de France est remerciée par un essor de commandes, telle autre région passée aux anglais pendant la guerre de 100 ans fait l'objet d'un reconquête culturelle, etc.).

Le propos de l'exposition est de battre en brèche l'idée reçue selon laquelle la France se serait tenue à l'écart du grand chambardement de la Renaissance, essentiellement spectatrice d'un phénomène entraîné par ses voisins (les grandes découvertes par le Portugal et l'Espagne, l'humanisme lettré et la peinture en Italie ou dans les Flandres). Qu'on se le dise : la France de 1500 n'a pas chômé, et le peuple français lui-même, à en croire les chroniques de l'époque, se sentait fier de participer à un royaume unifié, prospère et actif sur le plan culturel, diplomatique, économique, etc. Je cite le catalogue, p25 "la France des années 1500, à l'aube du "beau XVIe siècle", est un pays qui bouge, et cela dans la stabilité et l'unité. Les grandes guerres anglaises ne sont pas oubliées (ce qu'on a appelé depuis la guerre de 100 ans), c'est pourquoi les français acceptent les contraintes d'une royauté forte (...). dans tout cela, aucune rupture ni matérielle ni mentale : c'est ainsi que les valeurs chevaleresques incarnées par un Bayard et un Louis de la Trémoille demeurent à l'ordre du jour (...). C'est parce qu'ils étaient assurés de leur peuple que Charles VIII et Louis XII, en attendant François Ier, au nom de ce qu'ils considéraient comme leurs droits, osèrent tenter l'aventure italienne - Milan, Gênes, Naples."

Bien qu'il devienne un peu usant d'entendre ou de lire à longueur d'expositions sur cette période que "non, décidément le moyen-âge n'était pas une période obscure" (parce que c'est quelque chose qu'on entend depuis au minimum 20 ans donc tout le monde devrait être bien au courant, et que ça devient une posture un peu désuète) et que "non, la Renaissance n'a pas surgi brusquement ex nihilo dans les ténèbres", la qualité des oeuvres rassemblées suffit à faire de cette exposition un must de la rentrée. Un dimanche matin, alors que la foule se pressait pour aller voir Monet, les guichets de France 1500 étaient quasi déserts. Pour combien de temps ?

Voir également le lien ici (site de l'expo France 1500 qui mènera ici) et ici (site de l'expo Rubens)


mardi, avril 20, 2010

Une sociologue au conseil constitutionnel


Un essai stimulant sur le sens et le statut d'une de nos institutions les plus méconnues.

Le livre de Dominique Schnapper sur son expérience au Conseil Constitutionnel contient plusieurs livres en un seul.

1) C'est d'abord un témoignage (rare) sur la vie et les coulisses d'une institution finalement peu connue.


2) C'est aussi indirectement une réflexion sur le travail sociologique et le rapport du chercheur à son objet. Les sociologues s'efforcent par divers moyens d'observer de l'intérieur un milieu particulier, cette fois-ci la sociologue n'a pas seulement été observatrice mais réellement nommée comme l'un des 9 sages, tout à la fois sociologue et conseillère.


3) C'est enfin et surtout une analyse du fonctionnement et de la nature de cette institution bizaroïde qu'est le Conseil Constitutionnel. A ce niveau Dominique Schnapper applique trois grandes grilles de lecture, du début à la fin.

a) L'histoire du Conseil Constitutionnel est d'abord l'histoire de sa lente et progressive légitimation. Voulu par le Général de Gaulle comme un organe de contrôle de l'activité parlementaire jugée précaire et dangereuse à ses yeux, le Conseil s'inscrit à l'origine contre la tradition démocratique française. Protocolairement secondaire, fragile et directement soumis à la volonté du Général (qui n'entendait pas qu'on lui fasse la leçon sur une constitution qu'il avait lui-même rédigée et ne se privait pas de le rappeler sur le mode "je sais ce que j'y ai mis !"), le Conseil a fini par gagner son indépendance et par s'imposer comme un élément incontournable de la vie politique et juridique française.

b) La vie du Conseil est également celle de ses membres, des réseaux qu'ils fréquentent, des services qu'ils se rendent entre eux et à d'autres, des amitiés passées. L'assemblée réunit les ennemis d'hier, les nouvelles fonctions créent de nouvelles relations. Le récit des rapports entre les conseillers issus du sérail politique et ceux nommés au terme d'une carrière dans l'appareil judiciaire est très intéressant. Le plus fascinant est que le jugement en droit puisse se frayer un chemin dans ce petit théâtre des nominations, des jeux de pouvoirs et d'influences, des compétences diverses de ses membres. Il y parvient effectivement, grâce en particulier au travail de fourmi du secrétaire général et du service juridique, qui sont comme la colonne vertébrale de l'institution.

c) Enfin, et c'est peut-être cela le plus intéressant de tout le livre, Dominique Schnapper souligne avec une extrême clarté le statut profondément hybride du Conseil Constitutionnel, au carrefour des institutions politiques (Parlement et Présidence) et des institutions juridiques (Conseil d'Etat, Cour de Cassation). Les Conseillers sont nommés par les Présidents de la République, de l'Assemblée Nationale et du Sénat : ce ne sont pas des magistrats et le Conseil n'est pas une "cour de justice" contrairement à ses homologues étrangers. Mais en même temps le Conseil est un peu plus qu'un "club" et il participe de fait à l'élaboration du droit.

Institution mi-politique mi-juridique, le Conseil était, pour une sociologue, un poste de travail rêvé, exactement situé au point de rencontre des deux grandes utopies créatrices de la démocratie, l'utopie de la représentation (toute légitimité vient du suffrage universel du peuple souverain, qui peut changer les lois) et l'utopie du droit (la sécurité et la continuité du droit sont une protection contre l'arbitraire des passions du moment, et parfois le meilleur recours du peuple contre lui-même). Bien que tout pouvoir démocratique tire sa légitimité du suffrage universel ("si on écoutait les juristes, on ne ferait jamais rien" / "9 sages ne peuvent pas contredire la volonté générale du peuple" se plaisent à dire les conseillers "politiques"), les institutions ne peuvent pas non plus dépendre uniquement des "humeurs" du peuple, sous peine de tomber dans une autre forme de despotisme. Le Conseil Constitutionnel est le lieu de rencontre de ces tensions contradictoires. La conclusion du livre est à elle seule un petit bijou qui mériterait presque de paraître sous forme d'un article à part. Au terme des 452 pages que lui consacre Dominique Schnapper, l'austère et modeste palais de la rue de Montpensier en deviendrait presque attachant. On n'en demandait pas tant.

Dominique Schnapper, Une sociologue au conseil constitutionnel, nrf Essais Gallimard, Paris, 2010

mercredi, avril 07, 2010

Gérard Noiriel, le massacre des Italiens

L'ouvrage paru chez Fayard revient sur le massacre des ouvriers Italiens dans les salines d'Aigues-Mortes, le 17 aout 1893, à la manière des livres publiés dans la belle collection Les journées qui ont fait la France chez Gallimard.

Les pièces du dossier d'abord : à la saison du battage, des centaines de travailleurs de toute la région, d'Ardèche et d'Italie convergent vers les marais salants d'Aigues Mortes, contrôlés par la puissante CSM qui fait jouer la concurrence entre les ouvriers pour s'assurer une main d'oeuvre à bon marché. Parmi eux les trimards, des vagabonds considérés comme des hors-la-loi faute de pouvoir justifier d'une activité continue, viennent travailler dans les marais pour subsister et échapper aux autorités de police. Des immigrés italiens viennent également faire la saison et vivent le reste de l'année dans les alpages. Avec sa précision habituelle, Noiriel remet les événements de la journée en perspective, notamment la constitution de la riche et puissante CSM, unique employeur de la région, propriétaire de la plupart des territoires concernés et même exploitant viticole, depuis la découverte des effets bénéfiques du sel pour protéger les vignes du phylloxera.

Voici les faits : le massacre part d'une rixe. Le travail est un travail difficile, dans des conditions rudes, il exige la collaboration de tous à rythme soutenu. Surtout que les ouvriers vivent une partie de l'année sur le bénéfice qu'ils tirent de leur saison aux marais. Mais les ouvriers Italiens sont plus performants et préparés à ce travail de somme que les vagabonds qui ralentissent le groupe. Les ouvriers étant payés au rendement, des italiens commencent à se plaindre des trimards, une rixe s'en suit (un piémontais plonge sa chemise pleine de sel dans une bassine d'eau potable) qui conduira au massacre.

L'élément capital de l'histoire est que le facteur national s'est rapidement imposé comme un élément explicatif essentiel : nous avons affaire à une lutte entre des Français et des Italiens (et non pas une lutte entre vagabonds et ouvriers réguliers, ou bien le résultat des conditions sociales désastreuses sous l'autorité de la CSM). La solidarité nationale va couvrir puis blanchir les premiers, dans le silence consentant de l'opinion publique. L'auteur montre que plusieurs éléments convergent justement à cette époque pour faire de la grille de lecture "nationale" la grille de lecture prioritaire. La IIIè République a tout mis en oeuvre pour affermir le sentiment de solidarité nationale après la défaite de 70, et depuis cette époque la présence de l'Etat n'a cessé de s'accroître par toute une série d'institutions, l'homogénéisation de la langue, l'école, l'armée, etc. Les salines d'Aigues Mortes longtemps isolées de la terre ferme ont été reliées par le train. Surtout - passage parmi les plus intéressants du livre - la presse de masse invente le faits divers pour séduire son lectorat grâce à une technique éprouvée de dramatisation de l'actualité, où la communauté nationale où les français sont présentés tantôt comme les victimes innocentes ou les héros valeureux d'événements tragiques ou spectaculaires. Le traitement journalistique du massacre d'Aigues Mortes n'échappera pas à cette règle. Tout converge pour faire de cette lutte entre ouvriers saisonniers une lutte entre nationalités, qui débouche logiquement sur l'innocence des Français jugés par les tribunaux et l'opinion publique nationale.

Gérard Noiriel souligne l'éclosion dès cette époque d'une rhétorique sur les "étrangers voleurs du pain des Français" qui persiste jusque nos jours. L'auteur dénonce surtout en termes à peine voilés la promotion de la "fierté d'appartenance" et nous alerte sur les dangers potentiels de cette "fierté d'être français". Cette fierté est sans doute quelque chose de normal lorsqu'on appartient aux couches sociales les plus favorisées, car elle s'inscrit comme une source de reconnaissance et de valorisation de soi parmi d'autres d'autres (diplôme, richesse, médailles, relations, etc). En revanche la fierté nationale devient dangereuse lorsqu'elle est tout ce qui reste à ceux qui sont les plus démunis. Lorsque la fierté nationale est le dernier rempart de la dignité, elle entraîne crispations, chauvinisme et rejet de l'autre. Le massacre des Italiens en atteste. "Humiliés par les piémontais en raison de leurs faibles performances physiques, les trimards ont voulur établir leur dignité bafouée en mobilisant la seule "qualité" que le pouvoir républicain leur reconnaissant encore : la qualité de Français" (p 112) Cette qualité leur a surtout permis, dans des conditions historiques bien précises, de construire une solidarité avec une population qui les ignore en temps normal et tout disposée à les innocenter comme faisant partie d'un même "nous" collectif.

Cette solidarité communautaire est évolutive, changeante au cour de l'histoire. Elle n'est pas spontanée, elle est aussi sociologiquement et historiquement déterminée. En comparant avec d'autres événements (Le meutre à Hautefaye, village des Cannibales en 1970, le massacre du Métro Charonne en 1962, etc), Noiriel montre que ce sont parfois d'autres solidarités qui prévalent, fondées sur le sentiment de classe, l'ethnie, en fonction des intérêts et du climat du moment. La construction du "nous" n'a rien d'évident, c'est le mérite de ce genre de travaux de le montrer.

dimanche, septembre 06, 2009

Valadon et Utrillo à la Pinacothèque

La Pinacothèque de Paris, dont le directeur M. Restellini s'est fait une spécialité d'exposer les oeuvres d'artistes présentés par lui comme des artistes maudits, oubliés par la critique officielle et parias des musées d'état, à trouvé dans le couple Valadon Utrillo un sujet en or.

Suzanne Valadon (1865 - 1938) est une jeune fille délaissée par ses parents, modèle de Renoir, de Toulouse Lautrec, de Degas puis peintre à son tour. Son fils Maurice Utrillo lui aussi délaissé par sa mère est un peintre génial. La biographie artistiques des deux personnages est un chassé croisé, puisque son inspiration à lui s'essoufle lorsque celle de sa mère éclot. C'est lorsque Utrillo, génie précoce, sombre dans l'alcool, que sa mère qui fut d'abord son agent acquiert la pleine maîtrise de sa peinture.Lui peint des paysages urbains déserts, elle peint des intérieurs domestiques et des portraits, des natures mortes. Comme si leur peinture à tous les deux illustraient leur incapacité mutuelle à véritablement se rencontrer.

Les cartels de l'exposition fourmillent de détails biographiques ou esthétiques qui resituent os deux compères dans le grand destin de la peinture mondiale. Maurice Utrillo, peignant ses vues de Paris sur la base de Cartes Postales, serait un précurseur du Pop Art, Suzanne Valadon serait la première artiste réellement "féministe", peignant des sujets autrefois réservés aux hommes. Intitulée "Valadon Utrillo, au tournant du siècle à Montmartre", l'exposition retrace en outre un tournant de l'histoire de la peinture, lorsque de l'impressionnisme et des artistes bourgeois en rebellion ocntre leur milieu naît l'école de Paris, avec ses artistes maudits, sans le sou, issus des milieux populaires. Bien que l'exercice tourne parfois à la dissertation savante et finisse par être intellectuellement intéressante plutôt que visuellement forte, cette exposition reste stimulante par la vigueur des rapprochements établis et des liens construits.

C'est peut-être de toutes les expositions organisées depuis l'ouverture de la pinacothèque, celle où le goût du storytelling et des éléments biographiques est poussé à un point tel qu'il obscurcit parfois le contact aux oeuvres. Mais les chefs d'oeuvre de Valadon (en particulier Le nu se coiffant) et la grande cohérence du travail d'Utrillo justifient amplement d'y faire un tour, en attendant le siècle d'or de la peinture hollandaise, où l'on ne pourra pas nous refaire le coup des peintres oubliés à réhabiliter.



Exposition Tarente à Daoulas

L'Abbaye de Daoulas se consacre jusque janvier 2010 à l'une des villes restées les plus célèbres de la civilisation de la "Grande Grèce", ces colonies antiques installées sur les rives de l'italie du sud par le civilisation héllénique, entre - 700 et - 200. Aborder l'histoire de Tarente, c'est comprendre le passage du monde grec au monde romain, tenter de voir qui fait la grandeur et la décadence des civilisations.

L'histoire commence au 8ème siècle, lorsque des parias venus de Sparte fondent la ville. Un grand mouvement de colonisation lancé par plusieurs cités grecques modifie le paysage du sud de l'Italie pour former la Grande Grèce, au contact immédiat des peuples indigènes et "barbares" (Messapiens, Lucaniens, Brettiens, etc...) qu’il faut alors contenir. Les objets exposés (casques, jambières, armes, etc) célèbrent la vigueur d'un peuple jeune, conquérant, sûr de sa force et que certaines populations conquises veulent imiter. Les colonies grecques s’affrontent également entre elles.

De l'âge archaïque à l'age classique (5ème sècle), les objets deviennent plus raffinés, la cérémonie du vin et les jeux sportifs donnent aux sculpteurs et aux peintres des nombreuses occasins d'exprimer leur talent. Les coupes, vases, gobelets et jarres exigés pour la préparation du vin témoignent à elles-seules du raffinement d'une culture de haut vol. Ayant peut-être perdu le goût des combats, le goût des plaisir de la paix l'ayant sans doute définitivement emporté sur l'art de la guerre, Tarente confie progressivement sa défense à des guerriers mercenaires venus d'ailleurs, pour contrer la progression de la puissance émergente de Rome. Au 3e siècle, la lutte contre les populations italiques incite Tarente à demander secours à des condottieri venus d'ailleurs, Alexandre le Molosse une première fois, Pyrrhus, ensuite. Rome progresse inexorablement en direction de sa rivale. Conquise une première fois en 272, la ville voudra se rebeller et sera finalement rasée quelques décennies plus tard, en 209, pour s'être ralliée aux troupes d’Hannibal en guerre contre Rome.

La victoire militaire de Rome dans le Sud de l’Italie est pourtant synonyme de victoire culturelle de la Grèce. Tarente a été l’un des puissants vecteurs de l’hellénisation de Rome dans tous les domaines : arts plastiques, philosophie (le pythagorisme), musique… Tour à tour dominatrice et dominée, conquérante et conquise, Tarente reste un beau sujet de médiation mélancolique sur le destin des mondes engloutis : "Le goût délicat et la mollesse efféminée de ses habitants étaient passés en proverbe, et le molle tarentinum donnait en même temps l'idée de toutes les recherches du luxe et de toutes les jouissances de la volupté. Aussi cette république fameuse ayant perdu ses moeurs à la suite de ses richesses, perdit bientôt sa gloire avec sa liberté. Déjà vaincus par les délices, les Tarentins attendirent tranquillement le joug que daignèrent leur imposer les romains. Nos dessinateurs parcourent en vain les champs et les jardins que couvraient cette orgueilleuse cité, ils n'y trouvent aucun monument ni le moindre vestige de son ancienne splendeur. Et jamais, peut-on s'écrier avec un auteur anglais qui a fait récemment le voyage, jamais une ville ne fut aussi complètement effacée de dessus la terre que la ville de Tarente."

De la Grèce à Rome, Tarente et les lumières de la Méditerranée, du 28 mai 2009 au 3 janvier 2010, Abbaye de Daoulas, voir le site de l'exposition

mardi, juin 30, 2009

Ecritures silencieuses à l'espace Louis Vuitton

Retour sur le thème classique de l'empreinte et du langage, des effets esthétiques qui émanent des signes lorsque le sens est parti.

On ne compte pas les expositions et les publications autour du thème de l'empreinte, de la trace souvent accompagnées de méditations ampoulées sur le temps qui passe et la rémanence du geste. L'exposition de l'espace Louis Vuitton a le mérite d'aborder cette question avec rigueur, et déploie un propos riche et fin, servi par quelques artistes immenses, parmi lesquels Joseph Kosuth, Sun7, ou Ernesto Neto.

L'exposition "écritures silencieuses" explore effectivement les différentes façons, pour une écriture, d'être silencieuse. Il y a des silences contraints, choisis, des silences qui naissent de la crainte de parler, de l'impossibilité de dire, de l'oubli. La pièce qui ouvre l'exposition est un exemple d'écriture indéchiffrable : trois tablettes d’écritures Rongo Rongo de l'Île de Pâques réalisées sans doute pour des cérémonies religieuses et conservées au musée du Vatican depuis 1925. Le visiteur ne peut qu'en apprécier la matérialité, les formes abstraites comme des petits dessins alignés qui sont animés par une intention dont on n'a pas encore perçé le secret.

Il y a aussi les écritures que l'on a volontairement cryptées, par souci de confidentialité. C'est le cas des courriers secret défense des avocats des prisonniers de Guantanamo présentés par Jenny Holzer : il suffit que quelques mots soient ôtés ou masqués, pour que l'ensemble d'un texte tombe dans le mutisme, et soit dégradé à l'état d'empilement de signes sans signification. Autre forme de silence, non plus imposé par l'histoire et le passage du temps (l'empreinte) mais sciemment et consciencieusement aménagé par le droit et la réglementation (illustration Jenny Holzer / Galerie Yvon Lambert).




Il y a des écritures qui restent silencieuses car l'amoncellement même des choses à lire, la multiplicité des langages potentiels et l'impossibilité où nous sommes de les maitriser tous décourage par avance l'entreprise de lecture. Le silence n'est pas absolu, il est relatif : il dépend du moment, de chacun. Les écritures musicales, le slivres fermés sont sur le point de parler, on sent qu'elles pourraient être débaillonées mais restent silencieuses pour nous qui ne les comrpenons pas ou ne faisons pas l'effort de les lire. C'est le cas de ces bibliothèques avec tous ces livres bien rangés, alignés sur des étagères poussiéreuses du sol au plafond (voir les photographies de J Kosuth) ou la grande barrière de livres empilés par Ni Haifeng (illustration ci-contre). L'artiste a superposé des livres les uns sur les autres, jusqu'à former un mur dont on ne voit d'abord que les tranches de titre. Sur le revers, une main aligne des écritures algébriques comme autant de signes cabalistiques incompréhensibles. Le livre imprimé sert de surface vierge pour d'autres écritures, les codes mathématiques investissent le support linguistique.


Chaque oeuvre du parcours est l'occasion d'un décalage de l'usage normal des signes, dans la tradition de la bibliothèque de Babel de Borgès ou de degré zéro de l'écriture de Roland Barthes, pour ne citer que le plus évident. Chaque oeuvre opère ce léger glissement par lequel une écriture que l'on croyait familière ou qui devrait l'être puisqu'il s'agit de communiquer, devient tout à coup aussi étrangère et opaque qu'une série de hiéroglyphes. Le mélange des systèmes d'écriture, l'arabe, l'algèbre, la partition musicale, montre la diversité des outils du langage humain, la part d'arbitraire au coeur de la communication et l'importance du travail de l'interprétation requis pour la compréhension la plus élémentaire.


Tout langage fonctionne sur une interprétation collective de signes abstrait qui, en eux-mêmes, ne signifient rien. Il suffit que le code manque, que les interprètes meurent, et la signification disparaît. Il ne reste qu'un système complexe de notations bizarres qui apparaissent du même coup dans oute sa matérialité : des sons, des formes, des couleurs, des régularités. L'exposition passe en revue tous ces phénomènes de dilation et de distorsions des signes et leur vie propre émancipée de leur fonction de véhicule du sens.


Les artistes se servent ici des mots et des signes comme d'une matière graphique autonome. En projetant des écritures informatiques mouvantes sur les parois d'une salle, Charles Sandison travaille sur la perception de l'écriture, qui n'est plus un code inerte mais une matière organique vivante, et n'est plus quelque chose posé face à soi que l'on devrait déchiffrer mais un milieu environnant dans lequel on baigne (illustration : Charles Sadison / Cryptozologie). Que les signes cessent d'être perçus simplement comme des empreintes ou des traces de quelque chose d'évanoui qu'il faudrait retrouver, mais comme des formes vivantes intensément expressives en elles-mêmes, voilà qui ressemble fort à une consécration.

Voir ici le site de l'expo. Sur un thème proche et l'intérêt graphique des signes dans la communication, voir également ce texte sur l'exposition Villeglé

Vassily Kandinsky à Beaubourg

La magnifique rétrospective du centre Pompidou insiste d'abord sur Kandinsky le peintre, parfois occulté par le grand théoricien créateur de l'art abstrait.

L'essentiel du discours critique sur Kandinsky porte sur la dimension théorique de son oeuvre, et notamment cette décision radicale de passer dans l'abstraction, le choix de basculer d'une peinture figurative à l'art abstrait. On a écrit des milliers de pages sur les raisons d'un telle révolution, les signes avant-coureurs, et les multiples implications de cette décision inaugurale.  (Avec l'arc noir)












L'exposition de Beaubourg a le mérite de faire un pas de plus pour donner accès à la peinture proprement dite, plutôt qu'à la théorie. Il ne suffit pas en effet de répondre à la question "comment est-on passé à l'abstraction ?" mais il faut bien que l'on dise "qu'est-ce qu'on fait une fois qu'on est dedans ? " Que se passe-t-il une fois le Rubicon franchi, une fois la décision prise de passer du côté abstrait de la peinture ? C'est là qu'on découvre, non sans étonnement, l'extraordinaire richesse des formes, la diversité des motifs abstraits peints et leur évolution progressive sur des dizaines d'années, en Russie, en Allemagne, en France. 

A rebours de l'intuition naïve pour qui "tous les tableaux abstraits se ressemblent", ou l'intuition fausse selon laquelle "si l'on efface l'objet, il n'y a que du vide, ou le chaos", l'oeuvre de Kandinsky témoigne de la très grande richesse graphique de l'univers abstrait. Il y a les impressions, les compositions, les improvisations. Les tableaux du début, encore imprégnés des contes populaires russes, puis les amoncellements de couleurs et d'arcs brisés, avec des tâches irrégulières. Viennent ensuite les compositions géométriques rigoureuses, l'alphabet des formes mathématiques puis les figures biomorphes, petits animaux et hiéroglyphes par où la peinture confine à l'écriture (composition VIII).









La surprise - et le choc - de cette exposition, par delà cette chance de traverser l'ensemble de l'oeuvre de Kandinsky à la faveur de prêts exceptionnels des trois plus grands musées mondiaux, relève sans nul doute de la présentation des stupéfiantes aquarelles du peintre et notamment celles de la collection d'Alexandre Kojève acquises en 2001. Elles prennent toute leur saveur considérées en pendant de l'oeuvre sur toile, dont elles sont comme un double clandestin, souterrain, que Kandinsky n'a cessé de composer en parallèle. Il y a là des illustrations de contes pour enfants, des projets de toile, de petits bijoux d'une qualité chromatique inouïe (sans titre, 1915, don de la société Kandinsky).













Ces oeuvres, qu'on a justement nommé les "peintures secrètes de Kandinsky" achèvent de mettre cette immense rétrospective au nombre des expositions qui ne s'oublient pas. 

Centre Georges Pompidou, jusqu'au 10 Août. Voir comme toujours le dossier thématique réalisé par l'équipe du musée.

Pas quelquechose posé face à soi, mais un milieu dans lequel on baigne

lundi, février 23, 2009

Pollock et le Chamanisme


Sur les origines de l'art moderne : comment le chamanisme et la spiritualité influencent l'apparition de l'abastraction et du "dripping" chez Pollock.

Il y a schématiquement quatre grandes sources (au moins), quatre grands récits des origines de l'art moderne et de l'abstraction.

(i) Le Formalisme, c'est-à-dire le renoncement à la réprésentation des objets et à la figuration au profit de l''étude des formes pures, lignes et points disposés sur un plan : voir Mondrian.

(ii) Le Décorativisme, lorsque l'ornement devient si important et omniprésent qu'il finit par envahir le tableau (all over) et faire disparaître le sujet : voir Klimt.

(iii) L'imagerie scientifique, où comment la modélisation de l'atome, la figuration des vibrations sonores, la mise en graphique des ondes et des formes invisibles bouleversent la perception classique de la nature et influencent l'art moderne : voir Kupka.

(iv) Le Spiritualisme, c'est-à-dire le souhait de faire sentir et d'exprimer des forces sous-jacente à l'oeuvre dans la nature ou chez l'homme, que ce soit la présence du divin ou de l'inconscient agissant sous la surface des choses : voir Kandinsky, et l'influence sur sa peinture de l'art de l'icône et de la religiosité russe.

Ces 4 récits ne sont bien évidemment ni exclusifs les uns des autres, et la liste n'est pas exhaustive. L'exposition Pollock de la Pinacothèque de Paris illustre la quatrième filiation de l'art abstrait. Elle examine l'intérêt de Jackson Pollock pour la religiosité primitive des indiens d'amérique, et l'importance pour sa formation de l'exposition Indian Art of the United States organisée au MoMa en 1941.











On y voit la proximité des thèmes (figuration de la violence, accouplement homme/femme, animaux, accès à des mondes parralèles par la danse, la transe, la musique) et l'importance des gestes rituels dans la généalogie de l'expressionnisme abstrait, des très grands formats et la technique du dripping, dont on trouve de magnifiques exemples en fin d'exposition.













Comme toujours avec le commissaire Marc Restellini, le propos est passionnant (ici fondé sur les travaux de Stephen Polcari), maîtrisé, extrêmement didactique et finalement peut-être un peu plus "scolaire" que d'habitude, avec un léger déséquilibre en faveur de la prose des cimaises au détriment des oeuvres. On en sort plus instruit, mais peut-être pas aussi touché que d'habitude, hors quelques pièces fantastiques qui valent le détour et notamment celles d'André Masson, peintre surréalliste référence du peintre.


Jackson Pollock et le Chamanisme, à la Pinacothèque de Paris. Jusqu'au 15 février 2009

1) Jackson Pollock, Composition aux formes ovales, 1934-1938.
2) Jackson Pollock, Number 18, 1950

dimanche, février 01, 2009

Le siècle de Mantegna au Louvre


De la vision (légèrement) déformante d'une exposition sur un artiste. L'exemple de la rétrospective Andrea Mantegna au Louvre.


Le Louvre organise une rétrospective Mantegna. Cette appellation un peu scolaire, un peu sèche, masque ce qui est en réalité l'exploit culturel de l'automne-hiver parisien. Présenter un panorama aussi complet que possible de l'oeuvre d'un géant dont les travaux majeurs sont soit si fragiles qu'ils ne voyagent guère, soit directement apposés sur les murs de palais qui ne voyagent pas non plus.

La question est la suivante : était-ce possible ? L'ensemble de la critique autorisée semble d'avis que oui, et l'exposition accomplit effectivement le tour de force promis, à quelques inévitables exceptions.

En effet, comme le rappelle Giovanni Agosti dans son très bel ouvrage "récit de Mantegna", l'art du peintre repose sur deux piliers : l'antique et l'illusion.

L'Antiquité est admirablement présente dans les oeuvres exposées à Paris. Une antiquité marmoréenne, âpre, virile, faite de figures aux allures de statues, plongées dans la gravité, aux rictus un peu durs, un peu figés. Ils s'adoucissent avec le temps, pas forcément pour le mieux d'ailleurs. Mais le travail sur l'illusion est autrement plus difficile à faire sentir, et l'on se demande parfois s'il n'a pas tout simplement été passé à l'as, alors qu'il s'agit évidemment d'un aspect capital. La confusion entre l'espace réel et l'espace peint est une vraie problématique de l'oeuvre de Mategna, et qui est en outre spécifique à toute l'écle de l'italie du Nord et du futur maniérisme. L'exposition parisienne n'a guère que quelques balustrades en trompe l'oeil ou marbres feints à proposer, ce que l'on peut comprendre, mais reste avare en commentaires sur cet aspect, ce que l'on cmprend moins.

Bien sûr, il faut (fallait) courir voir cette exposition, y admirer quelques chefs d'oeuvres, en particuleir le tryptique enfin réuni de la prédelle de San Svevo, les relations picturales avec Bellini (ah ! la douceur de Bellini !), avec l'école flamande et Roger Van der Weyden (ah ! le réalisme ! oh ! le pittoresque, les petits lapins joueurs, les fleurs des champs aux pieds des martyrs), le fabuleux cabinet d'Isabelle d'Este et surtout voir l'évolution d'un peintre qui sur près d'un siècle est passé du statut de "premier peintre du monde" à celui d'un vieux maître toujours respecté, mais dépassé par la mode de la manière moderne.

La douceur du modelé est bientôt préférée à la dignité des sujets et la netteté des lignes, les couleurs s'étalent en vapeurs plutôt qu'en surfaces. Corrège, Léonard de Vinci ou Giorgione jettent l'art de Mantegna un style vieillot. Tout cela crée le sentiment d'une douce mélancolie après la profonde admiration, et ce n'est pas le dernier tour de force de cette exposition de susciter des sentiments si intenses et contrastés.

Comme le souligne admirablement Philippe Dagen, la longue série des estampes rappelle que Mantegna fut le contemporain de Dürer et de Bosch. Sous l'apparat des allusions à l'antique, l'intensité des passions et des appétits n'est jamais loin. Les monstres, les énergies déchaînées percent sur la sévérité du premier contact. Cette vigueur, cette cruauté, matinée de douceur Bellinienne et de pittoresque Van der Weydien construisent au final de ce magnifique parcours l'image d'un Mantegna diablement complexe, dont on admirera l'illusionnisme in situ, dans la chambres des époux de Mantoue.

Mantegna, Musée du Louvre, jusque début janvier. Voir le mini-site de l'exposition


lundi, novembre 24, 2008

La ville moderne : l'apport des philosophes allemands du débuts du XXème siècle


Une belle introduction au problème de la ville comme symbole de la modernité, à partir des exemples de Paris et Berlin au début du XXème siècle.


Pour tous ceux que le thème de la ville et de la vie urbaine intéresse, les deux livres dirigés par Philippe Simay publiés récemment aux Éditions de L'éclat, s'imposent comme un passage obligé.

Ces livres sont une introduction au gigantesque travail accompli par les philosophes et sociologues juifs allemands Georg Simmel, Walter Benjamin, Siegfried Kracauer pour appréhender et comprendre ce que le mode de vie urbain modifie de l'expérience humaine, comment la ville modifie "l'appareil sensitif" de l'être humain.

Ébahis devant l'expansion fulgurante d'une ville comme Berlin au début du XXème siècle, et fascinés par la constitution des premières métropoles, ils mettent au point un vocabulaire susceptible de décrire le mieux l'expérience de la ville moderne, comme expérience du choc (stimulation sensorielle des néons, des tramways, du cinéma et de la foule) comme dislocation de l'expérience (erfahrung) au profit du seul vécu (erlebnis), avec tous les mécanismes d'auto-défense de la part des citadins (blasement, retenue, intellectualisation, le divertissement comme moyen d'échapper aux l'excitation continuelle, etc). Pour se ressourcer d'une modernité urbaine aliénante, abrutissante et choquante, Simmel se ressource dans les villes du sud : Florence, Venise, Rome.

Si "Le choc des métropoles", outre une excellente introduction, rassemble des articles assez inégaux, en revanche les "Capitales de la modernité" sont un régal, avec en particulier un très bel article sur le thème du flâneur chez Benjamin. Le comportement du flâneur, ostensiblement détaché des valeurs utilitaires et mercantiles de la bourgeoisie des villes, devient l'emblème d'une contestation tranquille à l'essor de la modernité capitaliste, en même temps qu'un modèle d'écriture. A lire également : le descriptif de l'aménagement intérieur bourgeois de la fin du XIXème siècle, extrêmement chargé, décoré, où le moindre bibelot est saturé par les traces d'une histoire complète, à l'opposé des appartements lumineux, vitrés, fonctionnels de la capitale allemande. Ou bien la question des barricades à Paris au XIXème siècle, comme moyen de retourner contre les classes dominantes les symboles de leur domestication de la ville.

Ces livres donneront à n'en pas douter l'envie d'explorer la constellation des écrits de Simmel, Benjamin et Kracauer et d'approfondir leurs convergences et divergences sur une question cruciale de la modernité, alors que la moitié de la population du globe est récemment devenue citadine. Tous ont préféré la forme de l'essai, du fragment, à l'illusion de la monographie pompeuse et totalisante. Tous ont voulu s'attarder sur les menus objets de la vie courante, jugeant que c'est dans les petites choses que se logent les concepts les plus significatifs et les plus éclairants d'une culture : les vitrines, le grand huit, la mode, les galeries marchandes. Le roman Policier de Siegfried Kracauer, décrit comme le genre emblématique de la ville comme espace désenchanté, en est un bel exemple.

Le Choc des Métropoles, Philippe Simay et Stéphane Füzessery (dir), Éd. de l’Éclat, 2008
Capitales de la modernité, Philippe Simay (dir) Editions de l'Eclat, 2007
Les grandes Villes et la vie de l'esprit, Georg Simmel, L'Herne, 2008
Florence, Venise, Rome, Georg Simmel, Editions Allia
La parure et autres essais (avec un très beau texte sur l'esthétique des ruines, dans le prolongement de ce qui a déjà été dit ici) Georg Simmel, Maison des sciences de l'homme.