dimanche, septembre 06, 2009

Valadon et Utrillo à la Pinacothèque

La Pinacothèque de Paris, dont le directeur M. Restellini s'est fait une spécialité d'exposer les oeuvres d'artistes présentés par lui comme des artistes maudits, oubliés par la critique officielle et parias des musées d'état, à trouvé dans le couple Valadon Utrillo un sujet en or.

Suzanne Valadon (1865 - 1938) est une jeune fille délaissée par ses parents, modèle de Renoir, de Toulouse Lautrec, de Degas puis peintre à son tour. Son fils Maurice Utrillo lui aussi délaissé par sa mère est un peintre génial. La biographie artistiques des deux personnages est un chassé croisé, puisque son inspiration à lui s'essoufle lorsque celle de sa mère éclot. C'est lorsque Utrillo, génie précoce, sombre dans l'alcool, que sa mère qui fut d'abord son agent acquiert la pleine maîtrise de sa peinture.Lui peint des paysages urbains déserts, elle peint des intérieurs domestiques et des portraits, des natures mortes. Comme si leur peinture à tous les deux illustraient leur incapacité mutuelle à véritablement se rencontrer.

Les cartels de l'exposition fourmillent de détails biographiques ou esthétiques qui resituent os deux compères dans le grand destin de la peinture mondiale. Maurice Utrillo, peignant ses vues de Paris sur la base de Cartes Postales, serait un précurseur du Pop Art, Suzanne Valadon serait la première artiste réellement "féministe", peignant des sujets autrefois réservés aux hommes. Intitulée "Valadon Utrillo, au tournant du siècle à Montmartre", l'exposition retrace en outre un tournant de l'histoire de la peinture, lorsque de l'impressionnisme et des artistes bourgeois en rebellion ocntre leur milieu naît l'école de Paris, avec ses artistes maudits, sans le sou, issus des milieux populaires. Bien que l'exercice tourne parfois à la dissertation savante et finisse par être intellectuellement intéressante plutôt que visuellement forte, cette exposition reste stimulante par la vigueur des rapprochements établis et des liens construits.

C'est peut-être de toutes les expositions organisées depuis l'ouverture de la pinacothèque, celle où le goût du storytelling et des éléments biographiques est poussé à un point tel qu'il obscurcit parfois le contact aux oeuvres. Mais les chefs d'oeuvre de Valadon (en particulier Le nu se coiffant) et la grande cohérence du travail d'Utrillo justifient amplement d'y faire un tour, en attendant le siècle d'or de la peinture hollandaise, où l'on ne pourra pas nous refaire le coup des peintres oubliés à réhabiliter.



Exposition Tarente à Daoulas

L'Abbaye de Daoulas se consacre jusque janvier 2010 à l'une des villes restées les plus célèbres de la civilisation de la "Grande Grèce", ces colonies antiques installées sur les rives de l'italie du sud par le civilisation héllénique, entre - 700 et - 200. Aborder l'histoire de Tarente, c'est comprendre le passage du monde grec au monde romain, tenter de voir qui fait la grandeur et la décadence des civilisations.

L'histoire commence au 8ème siècle, lorsque des parias venus de Sparte fondent la ville. Un grand mouvement de colonisation lancé par plusieurs cités grecques modifie le paysage du sud de l'Italie pour former la Grande Grèce, au contact immédiat des peuples indigènes et "barbares" (Messapiens, Lucaniens, Brettiens, etc...) qu’il faut alors contenir. Les objets exposés (casques, jambières, armes, etc) célèbrent la vigueur d'un peuple jeune, conquérant, sûr de sa force et que certaines populations conquises veulent imiter. Les colonies grecques s’affrontent également entre elles.

De l'âge archaïque à l'age classique (5ème sècle), les objets deviennent plus raffinés, la cérémonie du vin et les jeux sportifs donnent aux sculpteurs et aux peintres des nombreuses occasins d'exprimer leur talent. Les coupes, vases, gobelets et jarres exigés pour la préparation du vin témoignent à elles-seules du raffinement d'une culture de haut vol. Ayant peut-être perdu le goût des combats, le goût des plaisir de la paix l'ayant sans doute définitivement emporté sur l'art de la guerre, Tarente confie progressivement sa défense à des guerriers mercenaires venus d'ailleurs, pour contrer la progression de la puissance émergente de Rome. Au 3e siècle, la lutte contre les populations italiques incite Tarente à demander secours à des condottieri venus d'ailleurs, Alexandre le Molosse une première fois, Pyrrhus, ensuite. Rome progresse inexorablement en direction de sa rivale. Conquise une première fois en 272, la ville voudra se rebeller et sera finalement rasée quelques décennies plus tard, en 209, pour s'être ralliée aux troupes d’Hannibal en guerre contre Rome.

La victoire militaire de Rome dans le Sud de l’Italie est pourtant synonyme de victoire culturelle de la Grèce. Tarente a été l’un des puissants vecteurs de l’hellénisation de Rome dans tous les domaines : arts plastiques, philosophie (le pythagorisme), musique… Tour à tour dominatrice et dominée, conquérante et conquise, Tarente reste un beau sujet de médiation mélancolique sur le destin des mondes engloutis : "Le goût délicat et la mollesse efféminée de ses habitants étaient passés en proverbe, et le molle tarentinum donnait en même temps l'idée de toutes les recherches du luxe et de toutes les jouissances de la volupté. Aussi cette république fameuse ayant perdu ses moeurs à la suite de ses richesses, perdit bientôt sa gloire avec sa liberté. Déjà vaincus par les délices, les Tarentins attendirent tranquillement le joug que daignèrent leur imposer les romains. Nos dessinateurs parcourent en vain les champs et les jardins que couvraient cette orgueilleuse cité, ils n'y trouvent aucun monument ni le moindre vestige de son ancienne splendeur. Et jamais, peut-on s'écrier avec un auteur anglais qui a fait récemment le voyage, jamais une ville ne fut aussi complètement effacée de dessus la terre que la ville de Tarente."

De la Grèce à Rome, Tarente et les lumières de la Méditerranée, du 28 mai 2009 au 3 janvier 2010, Abbaye de Daoulas, voir le site de l'exposition