lundi, juillet 03, 2006

Pierre Hadot et la philosophie comme manière de vivre

Les bouquins de Pierre Hadot, Qu'est-ce que la philosophie Antique ? (Gallimard) et La philosophie comme manière de vivre (Livre de Poche) sont deux appuis très sûrs pour avancer dans le dédale de la philosophie antique.
.
Pour Hadot, ce qui caractérise la philosophie antique (Socrate, Platon, Aristote, philosophes héllénistiques), c'est qu'elle est d'abord une "manière de vivre", et non un pur savoir théorique. C'est ce qui explique le coté un peu déroutant, aporétique ou désordonné de leurs écrits, qui tranchent avec la rigueur des systèmes forgés au 17ès. La philosophie implique un certain mode de vie (tourné vers la science, le plaisir, la cité...) plutôt qu'un savoir sur le monde. Cette conception commence à décliner à partir de l'essor du christiannisme, qui devient le seul mode de vie acceptable, et qui relègue la philosophie au rang de savoir théorique (et exégétique) au service de la foi.
.
Hadot complète les thèses de Leo Strauss (La persécution ou l'art d'écrire), qui pointe une autre grande spécificité des antiques vs les modernes, à savoir le contenu ésotérique et la "pensée de derrière" qui se tient entre les lignes de leurs ouvrages, une incommunicable aux masses. On ne peut pas lire les anciens comme on lit les modernes : leurs livres ne donnent pas un contenu, mais proposent une expérience.

Le bouquin permet de compléter aussi la querelle de la sécularisation. Si l'on dit que les concepts modernes sont des concepts religieux sécularisés (et que notre modernité n'est pas légitime), il faut aussi se souvenir que les concepts chrétiens sont eux-mêmes des concepts profanes (platoniciens) divinisés. Le Christianisme s'est inspiré des manières de vivre profanes. Seule différence, et de taille : il l'a communiqué au plus grand nombre, il en a fait un art de vivre pour les masses. D'où la complémentarité avec Strauss.

Aucun commentaire: