L'exposition Holbein actuellement à la Tate Britain de Londres est une vraie splendeur. Alors bien sûr je sais que dans ce blog, il y a une surreprésentation des livres et des expositions que j'apprécie, au risque de donner le sentiment d'une publication de béni oui oui, mais pour le coup j'insiste, une vraie splendeur. Non seulement par la (très) grande qualité des oeuvres exposées (on ne se lassera tout de même pas d'aller voir, à quelques pas de là, les Ambassadeurs de la National Gallery), mais aussi par l'occasion ici donnée d'apercevoir l'immense éventail des talents et des activités du peintre à la cour de Londres, à partir des années 1530, de l'art du portrait à la confection d'objets précieux et décoratifs, et ses ramifications à travers toute l'Europe.
On y découvre d'abord Holbein dessinateur, avec une quantité de travaux préparatoires et d'esquisses d'atelier. Il y a ce superbe portrait de Sir John Godsalve, devant lequel on reste comme fasciné par la profondeur du regard, la noblesse de la pose. On y retrouve surtout Holbein fabuleux coloriste, dont les figures se détachent sur fond bleu vif, vert profond, rouge lisse écarlate. Par le contraste d'un manteau sur un fond doré, d'un petit animal sur le rideau, il y en a qui savent s'y prendre pour vous exciter les yeux. Le portrait d'Edouard VII enfant (ci-dessus), baigné de rouge, est un éloge de la couleur. Il est une des nombreuses illustrations du goût d'Holbein pour les tissus pesant et les chapeaux larges, les drapés lourds, les encolures et les plumes, tout un art de l'ornement vestimentaire qui n'est pas le moindre de ses centres d'intérêt.
Holbein se distingue bien sûr par son art du portrait. L'exposition en est pleine. Au fil des salles, l'exposition illustre d'ailleurs (entre autres) le relatif abandon du portrait de profil classique, inspiré des médailles antiques, au profit du portrait de 3/4, puis de face, en position frontale. On sait qu'Holbein a peint l'Europe humaniste de son temps, d'Erasme à Thomas More, et tissé une familiarité avec ses modèles qui transparait dans les tableaux. Aussi le spectateur pourra être surpris des ongles ostensiblement souillés d'Erasme sur l'un des portraits de l'exposition. On croyait l'usage réservé à Caravage (Bacchus), De la Tour (Le tricheur), aux "peintres de la réalité" dans un esprit de provocation irrespectueuse. Mais l'humaniste a tant fait pour valoriser le travail de l'érudit comme un authentique labeur (et non comme simple loisir, otium) que les mains caleuses, salies par l'activité et posées sur un livre des travaux d'Hercule sont le signe d'une reconnaissance et d'une complicité de l'artiste et de son modèle.
Mais Holbein n'est pas seulement peintre, il est aussi décorateur, concepteur d'objets, de vases, de vaisselle, de lustres, de coupes pour l'usage de la cour. Il est envoyé en mission brosser le portrait des promises d'Henri VIII, il dessine des broches, des plans de cheminée et des écussons pour orner la haute société londonienne, s'associant à des forgerons et de toute l'Europe du nord. Holbein est également illustrateur de livres, en particulier des livres religieux et de la Bible, dans une Angleterre récemment gagnée par le souffle de la réforme. L'exposition présente de nombreuses vignettes édificatrices ou morales et lève le voile sur un aspect méconnu (?) du travail d'Holbein.
Au fil de ce parcours, le visiteur ressort plus convaincu que jamais de l'unité profonde des arts, des lettres et de la culture dans ses manifestations les plus diverses. De la peinture à l'orfèvrerie, du style vestimentaire à l'art du livre, de l'image politique à la religion, il n'y a qu'une immense culture commune, qu'il revient à l'homme de tenter d'embrasser. Tâche difficile, impossible sans doute, qui est justement le coeur du projet humaniste. A voir.
lundi, décembre 11, 2006
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1 commentaire:
Superbe description de l'exposition!!!! Je travaille sur le portrait d'Edouard VI et plus généralement sur la représentation de l'enfant à la Renaissance.
Merci pour cette visite.
Bonne continuation
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