mardi, juillet 18, 2006

L'ordre de Citeaux

Le rève cistercien, de Léon Pressouyre : sans doute l'un des meilleurs "Découverte Gallimard". Très bel aperçu de l'ambition des cisterciens, de leur volonté de dépouillement, d'ascèse, de retour à la règle stricte de Saint Benoît après les dévoiements (?) de Cluny. Principe d'autarcie et de faire valoir direct, organisation de la "multinationale religieuse" grâce à la charte de la charité, etc...

Ce rêve d'ascétisme ou de dépouillement revient de façon chronique dans l'histoire de l'église (jusqu'au protestantisme), mais finit toujours par se faire rattraper, également de façon chronique, par le succès populaire, la reconnaissance et finalement la gloire et l'ostentation artistique. Cette dialectique de l'histoire que l'on retrouve également en italie est bien décrite par le superbe Chastel, L'art Italien.

Voir aussi trois belles pages sur la querelle artistique des clunisiens et des cisterciens : les premiers admettent le recours des sens - et les limites de la condition humaine - pour embellir les églises, les seconds rejettent le figuratif et l'esthétique de gloriole qui détourne de Dieu, pour un art dépouillé, une esthétique des proportions géométriques, de l'harmonie des nombres et des matématiques : désir authentique d'humilité ou orgueil de celui qui pense accéder au divin sans le recours des sens ? Léon Pressouyre, le rêve cistercien, Gallimard. A voir aussi : Saint Bernard, l'art cistercien, de Georges Duby.

les très riches heures de la cour de chine

Pendant l'été, le blog tourne au ralenti.
.
Parmi les denrières expo, le musée Guimet nous réserve une magnifique exposition sur les très riches heures de la cour de chine, et les magnifiques rouleau de Wang Hui sur les pérégrinations de l'empereur Kangxi, de la dynastie Qing (1662 - 1796). L'empereur inaugure un temple, lance des travaux de forfications autour du fleuve, dompte la nature et préside aux banquets. On pense aux vers d'Horace, "il en est de la poésie comme de la peinture, l'une de plaira de près, l'autre de loin" : on oscille entre le très grand, l'immense longueur des rouleaux, l'ampleur des fresques, et la minutie des détails sur lesquels on se penche, tel cavalier, tel bosquet, telle hutte. Voir aussi la distinction peintre de cour / peintre lettré.

lundi, juillet 03, 2006

Pierre Hadot et la philosophie comme manière de vivre

Les bouquins de Pierre Hadot, Qu'est-ce que la philosophie Antique ? (Gallimard) et La philosophie comme manière de vivre (Livre de Poche) sont deux appuis très sûrs pour avancer dans le dédale de la philosophie antique.
.
Pour Hadot, ce qui caractérise la philosophie antique (Socrate, Platon, Aristote, philosophes héllénistiques), c'est qu'elle est d'abord une "manière de vivre", et non un pur savoir théorique. C'est ce qui explique le coté un peu déroutant, aporétique ou désordonné de leurs écrits, qui tranchent avec la rigueur des systèmes forgés au 17ès. La philosophie implique un certain mode de vie (tourné vers la science, le plaisir, la cité...) plutôt qu'un savoir sur le monde. Cette conception commence à décliner à partir de l'essor du christiannisme, qui devient le seul mode de vie acceptable, et qui relègue la philosophie au rang de savoir théorique (et exégétique) au service de la foi.
.
Hadot complète les thèses de Leo Strauss (La persécution ou l'art d'écrire), qui pointe une autre grande spécificité des antiques vs les modernes, à savoir le contenu ésotérique et la "pensée de derrière" qui se tient entre les lignes de leurs ouvrages, une incommunicable aux masses. On ne peut pas lire les anciens comme on lit les modernes : leurs livres ne donnent pas un contenu, mais proposent une expérience.

Le bouquin permet de compléter aussi la querelle de la sécularisation. Si l'on dit que les concepts modernes sont des concepts religieux sécularisés (et que notre modernité n'est pas légitime), il faut aussi se souvenir que les concepts chrétiens sont eux-mêmes des concepts profanes (platoniciens) divinisés. Le Christianisme s'est inspiré des manières de vivre profanes. Seule différence, et de taille : il l'a communiqué au plus grand nombre, il en a fait un art de vivre pour les masses. D'où la complémentarité avec Strauss.

samedi, juillet 01, 2006

Montesquieu - Essai sur le goût

Dans la droite ligne du Système moderne des beaux arts (cf ci dessous), un petit essai où l'on voit l'émergence d'une discipline esthétique conçue comme autonome, dépouillée notamment des préoccupations morales qui l'encombraient auparavant.
.
On se dit aussi que la curiosité, n'est pas un principe d'hybris (Augustin) mais le nouveau principe d'ordre : "comme toutes les choses sont dans une chaîne où chaque idée en précède une autre, on ne peut aimer à voir une chose sans désirer d'en voir une autre..." En parcourant la chaîne des êtres, a cuiriosité n'est aps un égarement des sens et de l'énergie dans la futilité du nouveau, mais le fil d'ariane d'un rapport inédit au savoir.
.
A voir également de beaux passages sur le regard. Voir et savoir sont liés : savoir c'est chercher (i) à étendre l'emprise de sonr egard, (ii) voir sous l'apparence des choses par le microscope ou le telescope (iii) disposer d'une vue de surplomb et synoptique des connaissances (via le journal, le tableau, etc.).
.