Ce petit livre est un grand livre. Abordé au Lycée, entr'ouvert en prépa, j'avais jusqu'ici différé de m'y pencher plus sérieusement, par paresse et préjugé idiot - ils le sont souvent - d'y trouver un texte vieilli, niais ou sirupeux. C'est en partie vrai, mais en partie seulement, car c'est aussi une lumière jetée sur les origines de la modenrité, et pour pas cher.
L'édition de Chritophe Marin chez Flammarion est très efficace. L'introduction, concise, précise, permet de replacer le texte de Fontenelle dans une histoire des rapports (i) entre voir et savoir, (ii) entre désir et connaissance, et (iii) comme pierre angulaire de la revalorisation de la curiosité dans les temps modernes.
Sur le premier point, les rapports entre voir et savoir, on se rappelera, en plus des références données par l'auteur, du mot de Saint Augustin, pour qui la curiosité est d'abord concupiscence des yeux. Rien de plus légitime, donc, que d'associer les progrès de la connaissance et le dévoilement du monde comme un spectacle pour les yeux, comme un Opéra dont on décortiquerait les coulisses, jeux de cordes et de poulies. Savoir, comme dit Jacques Lacan, c'est ça - voir.
Sur le deuxième point, les rapports entre désir et connaissance, l'auteur rappelle les enseignements de la psychanalyse, en particulier Freud, qui associe la pulsion sexuelle et la pulsion de savoir. On aurait pu tout aussi bien évoquer l'héritage de socrate, sans doute plus proche de l'esprit de l'époque : déjà pour Socrate Eros en tant qu'il est le désir de ce qui manque, est un moteur essentiel de la connaissance. Fontenelle reprend ce thème vieux comme le monde, mais il le situe directement dans un dialogue amoureux et installe la démarche savante dans un rapport collectif et non plus individuel.
Cette ouverture du savoir n'est pas le moindre indice de l'entrée dans l'âge nouveau, avec la valorisation de la science et l'essor du mécanisme. C'est le troisième intérêt de l'oeuvre de Fontenelle, de nous faire sentir, au moment de la grande Querelle des Anciens et des Modernes, et malgré la rapide obsolescence de ses thèses, le passage irréversible à la modernité. Fontenelle, Entretiens sur la pluralité des mondes, GF.
jeudi, janvier 04, 2007
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1 commentaire:
Pas encore lu mais semble pouvoir m'intéresser. Moi qui questionne en ce moment les rapports entre la vision l'image et l'appréhension générale du monde. Fontenelle aborde-t-il a un moment donné substenciellement la question de l'image?
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