Suite de lecture des livres de François Dagognet. Avec la même énergie que la dernière fois (il fallait revaloriser le déchet, le détritus), le philosophe s'attache à défendre ce qui n'a longtemps été considéré que comme une simple enveloppe ou film protecteur que l'on se devait d'arracher pour arriver au "fond", au "coeur", des choses, vers "l'intérieur" : la peau.
Non, la peau n'est pas un simple fourreau protecteur, elle est le lieu de multiples synthèses, elle est une zone de passage, de contact, fait voir ce qui se passe au dedans (les maladies de la peau sont le plus souvent des maladies du corps tout court, qui finissent ou commencent par se localiser dans la peau).
Au lieu de valoriser abusivement l'intériorité, la profondeur, il y aurait tout intérêt à opérer en physiologie le même renversement copernicien qu'en astronomie, et s'intéresser aux surfaces, périphéries et enveloppes qui nous disent sur nous-mêmes beaucoup plus qu'il y parait. Ce renversement, la nature l'a réalisé d'elle-même, en incorporant la carapace et les parois osseuses, qui protégent les protozoaïres et crustacés primitifs, du dehors vers le dedans chez les animaux les plus évolués. Raison de plus pour cesser de s'illusionner : l'essentiel n'est pas au-dedans, mais sur les bords, et loin de tenter "d'arracher" la peau pour pénétrer au coeur des organes, observer de plus près l'épiderme en dit plus sur la spécificité de l'animal évolué que nous sommes.
Il y a dans ce renversement un zeste de coquetterie intellectuelle, qui ne suffit pas toujours à justifier la lecture. Mais au-delà de ce coté un peu répétitif du procédé de dagognet, la démarche reste intéressante, et fructueuse par endroits. Voir notamment en fin d'ouvrage de belles réflexions sur l'importance du massage et du toucher pour l'éveil à la conscience de soi et la recherche de la bonne disance avec autrui. Dagognet évoque les recherches de Didier Anzieu sur le Moi-Peau : même le psychanalyste, maître sondeur des profondeurs de l'âme, doit se pencher sur la surface.
Voir aussi le passage sur la maladie du charbon. On apprend que des expériences ont été menées qui prouvent que les bacilles nocives peuvent êre inoculées dans le corps sans que le sujet tombe malade, et qu'en revanche, les mêmes bacilles introduites dans la peau entraînent la mort du sujet. Qu'on se le dise, la peau est bien plus qu'une enveloppe. A lire prochainement : Faces, interfaces, surfaces, du même auteur, et La peau en découvertes Gallimard
mardi, mai 15, 2007
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1 commentaire:
Très bonne idée ce compte rendu sur "La peau". Et merci pour le lien vers Mezetulle. Je place votre blog dans ma page "Liens et contacts". CK
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