vendredi, mars 03, 2006

Le bauhaus

Un petit livre très stimulant sur les conceptions architecturales et artistiques du Bauhaus, par Walter Gropius, inventeur du mouvement.
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Le problème de Gropius est assez simple : au début du 20ème siècle, les imépratifs du logement de masse ont mis de coté la dimension artisitique de l'architecture. On construit beaucoup, rapidement, pas cher. L'art, la technique, la production, qui étaient trois stades du travail de l'artisant, ont été dispersés par la division sociale du travail, et la spécialisation des corps de métier. L'art est désormais jugé superflu et secondaire, ravalé au rang d'un ornement final, que l'on rajoute après coup dans les bâtiments achevés destinés avant tout à être fonctionnels, qui arborent de manière superficielle un vague style rococco ou renaissance badigonné à la hâte sur les façades, les portiques..
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Cette opposition stérile entre l'art et le pratique nuit à l'art et compromet la praticité des objets. Au temps de capitalisme industriel, l'art n'est pas un investissement superflu, il revêt au contraire une importance déterminante pour la société et l'économie : mieux conçus, les bâtiments se vendent mieux, durent plus longtemps, les gens y vivent mieux, dans des pièces plus aérées, plus éclairées. Les bâtiments en hauteur permettent de loger un plus grand nombre de gens à proximité des villes, et de diminuer les temps et les coûts de trajets. Ils permettent aussi de multiplier les espaces verts. L'art est au service de l'habitat démocratique.
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L'art doit être remis à sa juste place : non pas un ornement a posteriori, mais une visée initiale, au stade de la conception. Le but de l'architecte est de concevoir des prototypes, des modules de bâtiments qu'on pourra ensuite agencer comme on voudra, et dont on pourra amortir le coût de conception par la production en masse. Rien ne justifie que chacun ait une maison absolument différente de celle du voison : il peut choisir parmi une liste limitée de modèles, comme il le fait pour les chaussures, les voitures, les vêtements, sans remettre en cause sa personnalité. La diversité des combinaisons possibles permet déviter l'uniformisation de l'habitat.
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Un mot n'apparaît pas dans le texte de Gropius, mais il est déjà tout entier compris entre les lignes de la théorie : c'est le design, dont on comprend aussi mieux la genèse. L'art est un dessein, il intervient au stade de la conception. Chez Gropius, l'artiste détermine la forme la mieux adaptée à l'usage d'un objet. A cette exigence premère, le design contemporain en ajoute une autre : exprimer dans des objets reproduits en série l'image de la marque qui les fabrique (quitte à faire perdre de vue l'usage, ou à questionner l'utilisateur sur l'usage possible d'un objet a première vue bizaroïde).
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Un autre regard sur "l'art à l'époque de sa reproductibilité technique". Architecture et société, par Walter Gropius, Editions du linteau, 1995.


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