Le petit livre d'Alberti est un discours de la méthode avant l'heure.
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Alberti ne parle pas de peinture en terme de talent, de savoir faire, de "je ne sais quoi" du peintre. Ou plutôt avant d'en parler en ces termes, il n'est partout question que de règles, de procédés, de méthodes. Peu importe si le rayon visuel sort de l'oeil ou de l'objet : l'important consiste à comprendre son fonctionnement. Newton plus tard se désintéressera lui aussi des causes du mouvements des planètes et de l'attraction, il en édictera simplement les règles.
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Alberti traite d'abord de la méthode pour construire le lieu de la peinture, et pose les bases d'une construction géométrique de l'espace, valables aussi bien pour le néophyte que pour l'homme de génie. Règles de formation pour le peintre, règles de jugement pour le spectateur.
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Il donne ensuite les règles de la composition, pour remplir cette espace : combien de personnages, comment les disposer, les règles de la vraisemblance, les types de mouvement, l'abondance, la variété, l'imitation et le rendu exact de la nature (je m'étonne qu'Alberti recommande à la fois ne n'imiter que ce qu'on voit comme on le voit, et invite en même temps à peindre le visage du Dieu Zéphir en un coin du tableau pour animer les objets inertes : branchages, cheveux, etc.).
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Au livre III, il donne enfin les règles de formation du peintre, qui doit être un homme complet, versé dans toutes les sciences libérales. L'ensemble est d 'ailleurs précédé d'une superbe introduction sur la stratégie du traité, qui vie à ériger la peinture - art mécanique vulgaire - en art libéral, et même en écriture, comme une lanue dont il faut maîtriser la grammaire. Le but du peintre est de raconter une histoire et de convaincre, comme le rhéteur ou le poète, et se servant plus des outils du géomètre que de l'ouvrier.
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Certaines allusions laissent d'ailleurs penser qu'Alberti confie aux peintres le soin de prendre la relève des rhéteur et poètes médiocres de son temps. Cet idéal de noblesse et de dignité en peinture me rappelle le bel autoportrait de Rembrandt, à la National Gallery de Londres, où l'on décèle une même ambition identique.
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L'ouvrage se termine sur l'invitation à parfaire l'oeuvre, et la conscience claire de l'idée de progrès : "Rien, dit-on, n'a pu en même temps naître et être parfait. Ceux qui viendront après nous, s'il en est qui nous dépassent par leur effort et leur talent, pourront peut-être mener l'art de la peinture à son absolue perfection." Autant d'éléments qui font de cet ouvrage l'une des déclaration inaugurales de la modernité.
jeudi, mars 09, 2006
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