L'expo Disney au grand palais est une heureuse initiative. Pas forcément d'un point de vue artistique (bien que les vues panoramiques comme celle du village de Gepetto ou du Pays Imaginaire soient tout à fait saisissantes) mais surtout d'un point de vue documentaire, et d'histoire culturelle, sur les relations europe - USA, haute culture et culture populaire. En tous les cas, elle est bien autre chose qu'une "expo-tainment".
L’exposition se concentre sur les longs métrages d’animation produits sous la direction personnelle de Walt Disney, soit de Blanche-Neige et les Sept Nains (1937) au Livre de la Jungle, sorti quelques mois après sa mort à la fin de l’année 1967.
On y voit comment Disney, au milieu des années 30, recrute des artistes européens, suédois, danois, irlandais, allemands, anglais... fuyant sans doute le climat délétère de l'entre-deux guerres, formés aux Beaux arts dans leurs pays respectifs, et emportant avec eux le bagage culturel du vieux continent.
Il y a une satisfaction intellectuelle qui nait du simple rapprochement des dessins originaux de Disney avec des œuvres de l’art classique européen, du Moyen Âge gothique au surréalisme, en sculpture, peinture, cinéma. Et il est toujours utile de souligner derrière l'évidente influence littéraire des contes européens (Les Fables, les Métamorphoses, les contes), les rapprochements picturaux qui la nourissent. Le chateau de la belle au bois dormant se reflète dans celui des riches heures du duc de Berry. Le chalet scandinave, le village bavarois alimentent la nostalgie d'un monde pré-industriel, où la nature était préservée. Tout bénéfice pour la vision bi-polaire bons / méchants diffusée par Disney.
Dans la figure de Cruella Devil, il y a tout le mythe de la femme vénéneuse si chère à l'Art Nouveau du XXè (ici Femme au chapeau Noir, de Georges de Feure, vers 1898-1900). On voit partout le témoignage des oeuvres de Bush, Herman Vogel, Henrich Kley, Gustave Doré (les forêts du purgatoire ou de blanche neige), Daumier (les gredins de Pinocchio), les peintres romantiques et symbolistes allemands, Rackham, Stuck (chateaux et donjons divers, forêts enchantées, centaures et fée clochette), les gothiques et préraphaélites anglais (surtout pour La Belle au bois dormant), les primitifs flamands ou le cinéma expressionniste (Le Faust de Murnau et le diable de Fantasia).
Il faut aussi constater - mais peut-être n'est-ce qu'un effet de l'expo, ou une extrapolation abusive, à chacun de voir - que l'héritage européen de Disney sert d'abord à nourir le coté obscur des longs métrages : méchants, diables, escrocs, forêts hantées. Il ne faut pas gratter bien profond sous le divertissement mièvre pour trouver l'empreinte encore visible de la nostalgie et de l'inquiétude européenne. Le vieux continent divisé, déchiré par la guerre, y apparaît ainsi comme la face noire et tourmentée de l'amérique disneyienne et conquérante.
mardi, octobre 17, 2006
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