vendredi, mai 26, 2006

Cindy Sherman et Marie Antoinette

Chouette rétrospective consacrée à Cindy Sherman au musée du Jeu de Paume. Partis pour aller voir les Monet de l'Orangerie, effrayés par la file d'attente, nous rebroussons chemin sur le musée adjacent. C'est bien davantage qu'un lot de consolation. L'expo était au programme, mais on ne s'y serait sans doute pas précipités. Grave erreur.
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Voir une photographie de Cindy Sherman, c'est voir Cindy Sherman. On a beaucoup glosé sur le caractère obsessionnel de ses autoportraits, cette frénésie de la reproduction de soi - la technique photographique est incroyablement adaptée - dans toute sortes de postures, costumes, qui finissent par dissoudre totalement l'identité de ce qu'on cherche justement à fixer sur l'objectif.
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La grande salle des Centerfolds et des Film Stills est particulièrement impressionnante. Regards perdus, tristes, momifiées, impression de malaise, et sentiment d'une imprescriptible solitude.
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Il y a cette phrase très belle de Sherman dans une interview récente avec Danto (Art Press) au sujet des Centerfolds (je cite de mémoire) : "Au lieu des pin-up glamour qu'on étale habituellement sur les doubles pages des magazines, j'ai voulu montrer des filles qui sont là, seules, qui sont en train d'attendre que le téléphone sonne".
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Je ne parle pas des dernières oeuvres, des clowns, des monstres, du porno, du décadent, toutes ces choses qui sont aussi à mon sens déjà inscrites et sous jacentes dans les premiers autoportraits, avec ce coté hypnotique et fou.
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Après le jeu de paume, direction Marie Antoinette de Sofia Coppola. Après Virgin Suicides et Lost In Translation, nouveau portrait de jeune femme seule isolée perdue dans le tourbillon révolutionnaire. La promesse d'une Marie Antoinette disco trash n'est pas vraiment remplie, sauf BO, et clins d'oeil citationnels divers. Reste que le film est superbement... filmé, photographie irréprochable, notamment le passage au petit trianon, avec Kirsten Dunst en robe blanche qui batifole dans les herbes hautes. Ô joie du repos buccolique l'abri du protocle royal, allons amis traire les chèvres et ramasser les oeufs, chanter les merveilles de la divine création par ce beau soleil de juillet 1789.
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Jean Luc Mélanchon critiquait sur I-Télé la compassion déplacée pour une histoire de "petit fille riche" au milieu de la révolution. On va quand même pas plaindre l'autrichienne quand le peuple crie famine ! Cette solitude dont on ne peut même pas se plaindre, et dont personne ne voudra vous soulager, sinon par une empathie formulée à demi mot, c'est peut-être cela l'exclusion radicale, la solitude définitive.

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