mardi, mai 09, 2006

Le jardin de Vaux le Vicomte

D'abord partis pour Versailles (fermé le lundi), Camille et Matthieu débarquent à Vaux le Vicomte. Belle journée sous le soleil, très beau chateau, haut lieu de l'histoire, qui offre un regard irremplaçable et inaugural sur le (demi) siècle de Louis XIV. Et surtout, magnifique jardin.

Il y a dans le jardin quelque chose de Descartes. Pas seulement les leçons sur la dioptrique, la perspective. Quelque chose qui touche à l'être même du jardin (sic). Je crois me rappeler que pour le philosophe Français, le temps est discontinu, composé d'instants sans lien entre eux, ce qui oblige Dieu à un acte de création sans cesse recommencé pour que le monde continue d'exister. Le jardin, c'est pareil : soumis au rythme des saisons, il oblige un effort permanent d'entretien sans lequel l'oeuvre disparaît et la nature reprend ses droits.
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C'est d'ailleurs ce qui s'est passé à Vaux. Pourtant les jardiniers se sont remis à l'ouvrage et retrouvé l'allure du jardin de 1661. Du coup l'extrême précarité du jardin est aussi une extrême robustesse. On ne retrouvera jamais les bras de la Vénus de Milo, mais le jardin, dont on aurait cru les feuilles et les allées bien plus fragiles que la pierre, a résisté au temps mieux que les marbres antiques. Ce qui lui donne une épaisseur particulière.

Peut-être est-ce parce que le jardin n'est pas fait (que) de matière, mais (surtout) d'intelligence. On y retrouve toute celle du 17è siècle. Les replis du baroque, le bel agencement classique, l'autorité de la vue, les illusions d'optique, l'ordre nouveau sous l'ordre apparent, le jardin se découvre à mesure qu'on avance. La beauté du lieu n'est logée nulle part, sinon dans le regard et pour ainsi dire le corps de ceux qui en parcourent les allées. Plus qu'aucune autre oeuvre le jardin pose la question de la "place du spectateur". Il donne aux trouvailles de plus de 300 ans de perspective picturale un nouveau site dans lequel s'exercer.
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Raison de plus pour aller voir Versailles. Il paraît que Louis XIV, en voulant montrer toute la (dé)mesure de sa gloire, n'a réussi qu'à briser le savant équilibre des proportions de Vaux, jardin à taille humaine, dont les dimensions épousent (presque) la portée du regard. En attendant, on pourra lire le petit bouquin d'Erik Orsenna, Portrait d'un homme heureux, manière agréable de prolonger la visite.

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